Aussi rare qu’étincelant, l’or a très tôt dans l’histoire été perçu comme un métal précieux. Avant de devenir un symbole de richesse et de pouvoir pendant des millénaires. Car au-delà de sa valeur décorative, l’or a surtout joué un rôle central dans l’économie, notamment en tant que monnaie d’échange un peu partout à travers le monde, depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours.
Premières monnaies en or durant l’Antiquité
Les premières utilisations de l’or comme “composant” monétaire remontent à la Lydie, un royaume situé dans l’actuelle Turquie, vers 600 avant J.-C. C’est là, sous le règne du roi Crésus, que furent frappées les premières pièces de monnaie en électrum, un alliage naturel d’or et d’argent. Appelées « statères« , ces pièces sont considérées comme les premières traces d’une utilisation de l’or dans les transactions commerciales formelles.
Toutefois, l’utilisation de l’or comme monnaie d’échange est plus ancienne. Dans l’Égypte antique, bien qu’il fût surtout un symbole de pouvoir et de prestige pour les pharaons (les Égyptiens considéraient l’or comme « la chair des dieux »), le métal précieux jouait déjà un rôle important dans le commerce. Il servait ainsi aux transactions entre les classes dirigeantes, mais permettait aussi d’entretenir des relations commerciales avec les peuples voisins, notamment via des échanges avec les royaumes du sud comme la Nubie. Lequel fournissait d’ailleurs une grande partie de l’or égyptien.
Quelques siècles plus tard, à Rome, l’utilisation de l’or comme monnaie officielle se formalisa sous le règne de Jules César, avec l’introduction de l’aureus, une pièce d’or utilisée pour les transactions importantes. L’aureus devint rapidement une référence monétaire dans tout l’Empire romain, et sa circulation se maintint pendant plusieurs siècles à travers l’Europe, mais aussi l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient, jusqu’à la chute de l’Empire au Ve siècle.
Des pièces d’or pour développer le commerce international au Moyen Âge
Le Moyen Âge a connu un usage plus fluctuant de l’or en tant que monnaie, particulièrement en Europe, où les économies reposaient davantage sur l’argent en raison de la rareté du métal jaune. Mais l’or a tout de même été utilisé par plusieurs royaumes médiévaux pour frapper des pièces officielles, lesquelles sont d’ailleurs bien souvent devenues de véritables références monétaires par-delà les frontières, et parfois durant plusieurs siècles.
Ainsi, sous Charlemagne, on frappa la livre d’or, également appelée “libra« , qui devint la référence monétaire de l’empire carolingien. Et ce, malgré la pénurie d’or en Europe occidentale. Ces pièces servaient alors principalement pour les transactions internationales ou les échanges entre grandes puissances. L’or utilisé provenait essentiellement d’Afrique du Nord et des royaumes musulmans, après un long périple à travers les routes commerciales transsahariennes qui constituaient des artères vitales pour les échanges entre l’Europe chrétienne et le monde islamique.
La fin du Moyen Âge fut également marquée par l’émergence de pièces d’or propres à certaines grandes cités européennes. Le florin par exemple, introduit en 1252 à Florence (d’où son nom), devint l’une des pièces d’or les plus influentes de l’Europe médiévale. Sa popularité reposait sur sa qualité constante et sa fiabilité, des caractéristiques cruciales dans un contexte où la plupart des monnaies variaient largement en poids et en pureté. Florence, centre du commerce et de la finance, utilisa alors le florin pour renforcer son importance économique grâce à une monnaie solide qui se répandit dans toute l’Europe.
En France, Philippe VI introduisit l’écu d’or en 1340. Cette pièce, reconnaissable au bouclier (appelé aussi écu) qui ornait l’une de ses faces, connut un grand succès et resta en circulation pendant plusieurs siècles, devenant l’une des monnaies les plus utilisées en France et dans les territoires sous son influence. L’écu fut également un élément central des transactions commerciales internationales et marqua le retour de l’or dans les systèmes monétaires des grandes puissances européennes.
Toutes ces pièces d’or médiévales facilitèrent donc les échanges à travers le continent, notamment dans les foires de Champagne, véritable point central du commerce européen. Mais elles ont également circulé en Méditerranée, ouvrant la voie à une forme précoce de globalisation en favorisant les transactions avec l’Empire byzantin et le monde musulman.
L’or devient une monnaie universelle à l’époque moderne (XVIe-XIXe siècles)
L’époque moderne s’est distinguée par une augmentation significative de l’utilisation de l’or comme monnaie, en grande partie grâce aux découvertes du Nouveau Monde et à l’afflux massif d’or provenant des Amériques. Aux XVIe et XVIIe siècles, les conquistadors espagnols ont en effet rapporté d’énormes quantités d’or en Europe, bouleversant au passage les économies des différents pays qui n’étaient pas préparées à une si soudaine abondance, et qui connurent alors une forte inflation.
L’or des Amériques alimenta dès lors la frappe de nouvelles pièces sur tout le continent européen, et plus particulièrement en Espagne qui pu ainsi dominer les échanges commerciaux pendant plusieurs décennies. Les doublons espagnols devinrent en effet l’une des principales monnaies dans toute l’Europe, mais aussi dans les colonies espagnoles et au-delà.
À partir du XIXe siècle, le métal doré prit une place encore plus formelle dans le système monétaire européen avec l’introduction de l’étalon-or qui reposait sur la convertibilité directe de la monnaie en or. Ce système a commencé à être utilisé au Royaume-Uni en 1821, avec le gold sovereign britannique, pièce d’or emblématique qui fut frappé à cette époque et joua un rôle crucial dans le commerce international.
Par la suite, l’adoption progressive de l’étalon-or par d’autres puissances européennes acheva de transformer radicalement l’économie mondiale. En France par exemple, le franc germinal issu de la réforme de Napoléon en 1803, et initialement basé sur le bimétallisme (or + argent), fut pleinement rattaché à l’étalon-or dans les années 1870, dans un contexte d’unification monétaire internationale (oui, déjà à l’époque !).
Dès lors, les nations se mirent à fixer la valeur de leur monnaie par rapport à une quantité spécifique d’or, permettant de stabiliser les taux de change internationaux et de faciliter le commerce entre les pays. Cet usage formel et institutionnalisé du métal précieux entérina définitivement l’idée selon laquelle l’or était une monnaie universelle et indiscutablement stable.
Le XXe siècle et la fin de l’étalon-or
Ce mécanisme s’avéra relativement efficace pour la gestion du commerce international tout au long du XIXe siècle. Les banques centrales utilisaient l’or pour garantir la valeur de leur monnaie, et les échanges de biens entre les nations étaient ainsi facilités par une stabilité monétaire sans précédent.
Cependant, le début du XXe siècle vit les premiers signes de déclin de l’or comme monnaie d’échange. La Première Guerre mondiale (1914-1918) fut un choc économique majeur pour les nations européennes. Afin de financer l’effort de guerre, le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne suspendirent temporairement la convertibilité de leurs devises et commencèrent à imprimer de la monnaie sans garantie directe en or. Forcément, ces devises perdirent de la valeur et on vit surgir le spectre d’une inflation grandissante qui allait s’avérer désastreuse en quelques années.
Après la guerre, certaines nations tentèrent de restaurer l’étalon-or, mais les effets destructeurs de la crise économique mondiale de 1929, ainsi que la Grande Dépression qui s’en ensuivit, poussèrent de nombreux pays à abandonner ce système pour tenter de relancer leur économie en imprimant davantage de billets (avec parfois des résultats catastrophiques comme en Allemagne). De leur côté, les États-Unis, sous la présidence Franklin Delano Roosevelt, mirent fin à la convertibilité du dollar en or pour les citoyens américains en 1933, bien que l’or continuât d’être utilisé pour les échanges internationaux.
Le dernier sursaut de l’or en tant que monnaie officielle eut lieu après la Seconde Guerre mondiale, avec les accords de Bretton Woods en 1944, qui fixèrent le dollar américain comme référence monétaire mondiale, mais toujours convertible en or à un taux fixe de 35 dollars l’once. Ce fut en réalité la dernière étape avant l’abandon définitif de l’étalon-or en 1971, laissant la place aux monnaies fiduciaires garanties par une nouvelle ressource inépuisable : le crédit.
Ce qu’il faut retenir :
- Même si l’or était déjà utilisé comme monnaie d’échange dans l’Égypte antique, les premières pièces d’or furent frappées en Lydie, un royaume situé dans l’actuelle Turquie, vers 600 avant J.-C.
- À Rome, au 1er siècle avant J.-C., Jules César généralise l’émission de l’aureus et fait de cette pièce la première référence monétaire en or d’une grande partie du monde connu à l’époque.
- Au Moyen Âge, l’argent est davantage utilisé car l’or est rare. Mais certains royaumes européens utilisent le métal doré pour organiser le commerce international.
- Au XVIe siècle, l’Espagne rapporte des quantités considérables d’or des Amériques et domine ainsi les échanges internationaux pendant plusieurs centaines d’années.
- Au XIXe siècle, le Royaume-Uni invente le système d’étalon-or, très vite rejoint par d’autres grandes nations comme la France, l’Allemagne ou les Etats-Unis.
- Au XXe siècle, les guerres et les crises économiques majeures éloignent les grandes puissances de l’étalon-or, lequel finit par disparaître en 1971 au profit des monnaies fiduciaires..
Auteur et consultant depuis plus de vingt ans dans le domaine de la communication stratégique, il a plusieurs fois travaillé pour le compte d'entreprises financières dont il décrypte aujourd'hui les coulisses, tout en vulgarisant les mécanismes économiques de base à l'intention du plus grand nombre.