La France va-t-elle être en récession en 2023 ?
Début août, on apprenait que les Pays-Bas étaient officiellement entrés en récession au deuxième trimestre 2023. Au premier trimestre, c’était déjà le cas de l’Allemagne, première économie européenne, dont la fragilité désormais bien visible menace la stabilité de toute la zone euro.
Doit-on dès lors craindre une situation similaire pour la France à brève échéance ? Nul ne saurait le dire vraiment. Ce qui est sûr en revanche, c’est qu’historiquement, toutes les économies, y compris celle de la France, ont connu des cycles d’expansion et de contraction. Et, malgré une reprise relative de la croissance depuis 18 mois, notre pays semble déjà montrer quelques signes précurseurs d’une récession ou, tout au moins d’une faiblesse économique préoccupante.
Par conséquent, la France n’est pas à l’abri d’une prochaine récession, laquelle dépendra comme toujours d’une combinaison complexe de facteurs économiques, financiers, politiques et pourquoi pas géopolitiques. Des facteurs qui constituent autant d’indicateurs économiques dont certains préoccupent actuellement de plus en plus les experts.
Les indicateurs économiques qui suscitent actuellement des inquiétudes en France
On l’a dit, prédire une récession est un exercice particulièrement délicat. Toutefois, plusieurs indicateurs économiques peuvent constituer des signaux d’alerte. Parmi eux, on trouve l’inversion de la courbe des taux.
L’inversion de la courbe des taux : un signe de future récession ?
Derrière cette dénomination plutôt hermétique et qui semble réservée aux économistes chevronnés, on trouve en réalité une situation assez simple qui se caractérise par des taux d’intérêt à court terme plus élevés que ceux à long terme.
Des chiffres concrets seront sans doute plus parlants. Voici par exemple les différents taux d’intérêt actuellement en vigueur en France :
Comme nous pouvons le constater, les taux d’intérêt à court terme (par exemple, 1 mois, 3 mois, 6 mois) sont actuellement plus élevés que la plupart des taux à long terme (par exemple, 2 ans, 3 ans, 4 ans, 5 ans, 10 ans, etc). En tant qu’emprunteurs, on pourrait trouver cela normal tant il est vrai que nous avons l’habitude d’obtenir des crédits à taux plus élevés à court terme qu’à long terme. Mais quand on parle d’investissement institutionnel, c’est très différent.
En réalité, cette situation constitue même une anomalie puisque, en temps normal, et sachant qu’il est plus risqué de bloquer de l’argent à long terme qu’à court terme, les investisseurs se voient généralement offrir une rémunération plus attractive pour placer leur argent sur une longue période. Or, là, il semble au contraire qu’on cherche surtout à attirer de l’argent frais à court terme en offrant des taux courts plus intéressants.
Les causes d’une inversion de la courbe des taux
Outre un choix délibéré des pouvoirs publics à offrir des conditions avantageuses pour les emprunts à court terme, plusieurs raisons peuvent expliquer une hausse trop rapide des taux courts. Par exemple, si les investisseurs anticipent un ralentissement économique ou une récession, ils vont privilégier des placements sûrs, comme les obligations d’État à long terme par exemple, ce qui risque d’en augmenter le prix (puisque la demande augmente) et donc d’en faire baisser le rendement (ou taux d’intérêt).
Autre exemple, en période de stress financier, les banques peuvent se montrer réticentes à se prêter de l’argent entre elles à court terme, car nombreuses sont celles dont la solvabilité est incertaine. Cette réticence va donc également contribuer à faire grimper les taux d’intérêt à court terme.
Bien sûr, tous ces éléments ne pèsent pas de la même façon sur l’évolution de la situation actuelle, mais ils sont en revanche autant de signes qui montrent une perte de confiance dans l’économie à moyen et long terme. Et historiquement, ce genre de situation a presque toujours précédé une récession économique.
Les autres facteurs économiques inquiétants
Néanmoins, il n’est pas du tout certain que cette inversion de la courbe des taux débouche inéluctablement sur une récession. Il s’agit simplement d’un indicateur parmi d’autres. Et justement, de nombreux autres facteurs influencent l’économie.
Il suffit par exemple d’une augmentation soudaine et prolongée du chômage (le taux de chômage français reste obstinément au-dessus du pourcentage moyen de l’Union européenne), d’une baisse de la consommation des ménages (en net repli de 3 à 4% par an depuis 2021) ou encore une chute des investissements des entreprises (seul point où la France continue à se maintenir en territoire positif pour l’instant) pour craindre avec raison un ralentissement économique à brève échéance.
Quels sont les risques réels d’une récession imminente en France ?
La France, à l’instar de nombreux pays développés, a traversé une période économique tumultueuse ces dernières années, exacerbée par la pandémie de COVID-19. Si la reprise économique post-pandémie a été plus rapide que prévu, certains indicateurs montrent des signes de faiblesse.
- PIB : Après une contraction significative en 2020, la croissance du PIB français a rebondi en 2021 avant de connaître une progression moins forte qu’attendue en 2022. Quant aux projections pour 2023 et au-delà, elles montrent un net ralentissement qui va perdurer, au risque même d’aboutir à une évolution nulle du PIB (à noter que le PIB moyen de la zone euro est pour l’instant négatif pour le début de l’année 2023, même si les projections de la BCE prévoyaient une progression de 0.7%…).
- Chômage : Le taux de chômage a évidemment augmenté pendant la pandémie, mais il a commencé à se stabiliser. Néanmoins, il concerne encore 7,2% de la population active (contre 6.5% pour la zone euro et 5.9% pour l’Union européenne), et certains secteurs, comme le tourisme et l’hôtellerie, peinent encore à retrouver leurs niveaux d’emploi d’avant la crise.
- Inflation : Comme dans de nombreux pays, la France connaît une inflation plus élevée que la normale, alimentée par des perturbations de la chaîne d’approvisionnement et une demande accrue. Si cette tendance persiste, elle pourrait peser sur le pouvoir d’achat des ménages.
Les armes anti-récession de la France
Fort heureusement, la France possède plusieurs atouts qui pourraient éventuellement la protéger d’une récession profonde. Par exemple, même s’il a été fortement désindustrialisé durant ces 50 dernières années, notre pays dispose encore d’une économie relativement diversifiée, avec des secteurs forts tels que l’agriculture, la technologie, le tourisme et la finance. Et en économie, ce n’est pas la première qu’on vous le dit, la diversification est l’un des facteurs-clés de la survie en période troublée.
De la même façon, le gouvernement français a déjà prouvé sa capacité à mettre en place des mesures de soutien économique d’urgence en cas de crise (ce fut le cas pendant la pandémie notamment), telles que des prêts garantis par l’État et des aides directes. Autant de dispositifs qui ont aidé à maintenir l’économie malgré la tourmente. Cependant, cette force est aussi une faiblesse, car cette sécurité étatique coûte très cher et que la dette publique française est déjà élevée, ce qui limite la marge de manœuvre du gouvernement en cas de nouvelle crise.
Une dépendance dangereuse à l’économie internationale
Et puisqu’on en est à parler des faiblesses, il ne faut pas oublier non plus que la France est également très dépendante de son commerce extérieur, en particulier vers d’autres États européens. Ainsi, qu’il s’agisse des importations comme des exportations, même si notre pays était en capacité de préserver son activité en interne, tout ralentissement économique chez nos principaux partenaires commerciaux pourrait avoir des répercussions aussi néfastes que considérables. D’autant plus qu’en étant l’un des acteurs majeurs de la zone euro, notre économie est étroitement liée à celles de nos voisins. Si plusieurs pays européens majeurs devaient entrer en récession (on parle notamment de l’Allemagne qui montre des signes inquiétants), cela pourrait créer un effet domino, rendant plus difficile pour la France d’éviter une récession elle-même.
Enfin, d’une manière plus globale, on a vu avec la crise sanitaire de 2020-2021 et la guerre en Ukraine que toute perturbation majeure de la chaîne d’approvisionnement mondiale ou augmentation significative des prix avait un impact négatif sur l’économie française. Impact contre lequel on ne pouvait rien. Certains secteurs importants pour notre économie, tels que le tourisme, l’aéronautique et l’automobile, sont d’ailleurs particulièrement sensibles à ce genre de chocs économiques mondiaux
Bref, si la France possède quelques atouts qui pourraient la protéger des effets d’une nouvelle crise majeure, elle n’est pas à l’abri d’une récession.
Crise de la dette américaine : spectacle politique ou vraie menace ?
La stratégie de hausse des taux d’intérêts décidée par le Réserve fédérale américaine afin de lutter contre l’inflation continue surtout à compliquer singulièrement la politique économique aux Etats-Unis dont la dette ne cesse d’augmenter et qui voit planer une nouvelle fois la menace du défaut de paiement dès le mois de juin 2023.
La dette est un problème récurrent aux Etats-Unis, et certains anticipent même le moment où son remboursement pèsera plus lourd dans le budget annuel fédéral que l’armée et la défense nationale, un sujet ô combien sensible pour les Américains. Mais au-delà des symboles, c’est une fois encore la question du plafond de la dette proprement dite qui agite actuellement l’actualité Outre-Atlantique, à l’heure où le Président Biden peine à obtenir l’aval du Congrès afin d’éviter de défaut de paiement.
Une situation qui s’est déjà présentée très souvent dans le passé, mais dont la résolution presque systématique a fini par faire un peu oublier les risques réels en cas d’échec des négociations entre les parlementaires et la Maison Blanche. Des risques pas seulement pour les Etats-Unis, mais pour l’économie du monde tout entier.
Bref rappel des faits
Pour ceux qui n’auraient pas forcément suivi l’affaire ou qui n’y auraient pas compris grand chose (et c’est vrai que la situation n’est pas forcément très claire, même pour les citoyens américains eux-mêmes), la secrétaire au Trésor, Janet Yellen, a averti que les États-Unis n’étaient plus qu’à quelques semaines d’épuiser leurs liquidités financières et que le pays pourrait donc s’avérer incapable de payer ses factures à compter du 1er juin 2023.
Seule solution, obtenir du Parlement l’autorisation de relever le plafond de la dette afin de pouvoir honorer le paiement des dépenses engagées. Aujourd’hui, ce plafond s’établit tout de même à 31 381 milliards de dollars (environ 29 000 milliards d’euros) mais semble avoir d’ores et déjà été atteint dès les premières semaines de l’année 2023..
L’ennui, c’est que le Congrès et la Maison Blanche ne sont pas de la même couleur politique, et la question du plafond de la dette est devenue un véritable enjeu politique, avec des débats intenses et des négociations souvent tendues. Car le Congrès, majoritairement républicain, utilise ce levier pour contester la légitimité des choix politiques du démocrate Joe Biden, et l’accuse d’être incapable de contenir ses dépenses et de résorber la dette du pays. En oubliant au passage de préciser que, Démocrates ou Républicains, tous les gouvernements de ces 60 dernières années ont systématiquement eu besoin de relever le plafond de la dette américaine.
Une simplification législative devenue un point faible du financement des Etats-Unis
Cette situation pour le moins étonnante est liée au fonctionnement un peu particulier qui régit le mode de financement du gouvernement fédéral américain. Comme tous les pays de la planète, ou presque, les Etats-Unis ont besoin d’emprunter chaque année pour payer leur déficit budgétaire.
Petite remarque à l’intention de ceux qui le découvriraient à peine, oui, tous les pays dépensent plus qu’ils ne gagnent et doivent donc systématiquement emprunter les “quelques” centaines de milliards qui leur manquent en émettant des obligations pour couvrir leur déficit. Cette dette est ensuite remboursée sur le long terme, mais grossit d’année en année à mesure que les besoins de financement des Etats augmentent eux-aussi. Au final, il y a peu de chance qu’un Etat finisse par solder l’intégralité de sa dette, mais ce système perdure malgré tout depuis des décennies grâce à un ingrédient aussi fragile que puissant : la confiance des investisseurs.
Bref, chaque année, l’Oncle Sam se retrouve confronté, non seulement à une augmentation des remboursements de sa dette, mais aussi et surtout à un montant total d’endettement qui grossit également. Et c’est justement là que le bât blesse.
Jusqu’à la Première Guerre mondiale, chaque émission de dette du gouvernement fédéral devait être explicitement approuvée par le président et le Congrès. Cependant, pendant la guerre, le président Woodrow Wilson et le parlement ont éliminé cette règle pour faciliter le financement de la mobilisation et ont instauré un plafond global de la dette.
Pour info, en 1917, ce plafond était fixé à 11,5 milliards de dollars.
En 2013, il tournait aux alentours de 16 700 milliards de dollars.
Aujourd’hui, dix ans plus tard, il a donc quasiment doublé.
Le point faible de ce système qui avait initialement été instauré pour faciliter le financement de l’Etat c’est que le Congrès doit désormais approuver le relèvement de ce plafond chaque fois que le gouvernement s’endette au-delà. Et depuis les années 60, les Etats-Unis n’ont eu de cesse de faire exploser le plafond de la dette année après année. Pour donner une idée de l’ampleur du phénomène, le parlement américain a dû relever le plafond de la dette US pas moins de 78 fois depuis 1960, et quasiment une fois par an depuis le début des années 2000.
Pourquoi ce système n’a aucun sens économiquement parlant ?
Quand j’écrivais plus haut que le système était mal compris, même par les citoyens américains, c’est parce qu’il leur est présenté de manière à leur faire croire qu’un vote en faveur du relèvement du plafond de la dette reviendrait à autoriser le gouvernement à s’endetter encore davantage. En réalité, c’est totalement faux. C’est au contraire permettre à l’exécutif américain de payer pour ses actions politiques passées, dont le montant des dépenses a déjà été présenté au Congrès plusieurs mois, voire plusieurs années auparavant… et que ce dernier a autorisé !
En d’autres termes, les parlementaires obligent le Président à engager des mesures coûteuses en vue de résoudre les problèmes sociaux et économiques de la nation ; mesures qui doivent ensuite être obligatoirement présentées au Congrès pour obtenir son accord sur le montant des dépenses à engager. Mais, une fois qu’il les a autorisées, ce même Congrès peut ensuite décider d’empêcher le gouvernement de trouver les fonds nécessaires pour les financer, notamment par l’emprunt.
Une véritable embuscade politique qui questionne plutôt sur la légitimité d’un tel système. Car s’il est normal de s’interroger sur la « responsabilité budgétaire » de l’Etat et la discipline des dépenses fédérales, ces discussions devraient plutôt avoir lieu avant même l’approbation de législations entraînant une augmentation des dépenses publiques (ou une réduction des recettes publiques), et non pas a posteriori dans le seul but de bloquer l’action gouvernementale qui avait été pourtant préalablement acceptée par les parlementaires.
Quelles seraient les conséquences d’un défaut de paiement des USA ?
Tout dépendra d’abord de la durée et l’étendue d’un potentiel défaut. Néanmoins, il est clair que les répercussions seraient profondes et toucheraient plusieurs aspects de la vie économique et sociale du pays, ainsi que ses relations avec le reste du monde.
Perte de confiance envers la dette américaine
Premier effet d’un éventuel défaut, le gouvernement Biden ne pourrait pas honorer ses obligations financières, à commencer par le paiements des intérêts dus aux détenteurs de la dette, c’est-à-dire les investisseurs possédant des obligations du Trésor américain. La crédibilité financière des États-Unis serait alors remise en question, ce qui pourrait entraîner une dégradation de leur note de crédit et une augmentation des coûts d’emprunt.
On comprend alors aisément qu’on entrerait dans un cercle vicieux puisque qui dit augmentation des coûts d’emprunt dit aussi intérêts plus élevés à payer sur la dette, donc aggravation de la situation initiale et finalement davantage d’argent alloué au remboursement de la dette au détriment d’autres dépenses peut-être plus utiles aux citoyens.
Dégradation de la politique sociale et économique
Faute de financement, l’économie américaine pourrait marquer le pas de manière brutale. De nombreux investissements seraient retardés ou annulés, ce qui entraînerait une baisse de la croissance économique. S’ensuivrait rapidement un ralentissement de l’activité qui amènerait de plus en plus d’entreprises à licencier pour compenser, avec au final une pression accrue sur les ménages américains, aussi bien au niveau de leur pouvoir d’achat que de leurs conditions de crédit ou encore de leur épargne.
Un défaut de paiement pourrait aussi compromettre le financement des programmes de santé, tels que Medicaid et Medicare, qui fournissent une assistance médicale à des millions d’Américains. Les personnes les plus vulnérables risqueraient de ne plus avoir accès à certains soins. De la même façon, l’Etat pourrait être obligé de rogner sur les programmes d’aide sociale, comme l’aide alimentaire et les allocations de chômage, aggravant les difficultés financières de millions de personnes et faisant exploser la pauvreté dans le pays.
Enfin, une analyse de la Maison Blanche explique qu’un défaut de courte durée entraînerait la perte de 500 000 emplois et une baisse de 0,6 % du produit intérieur brut (PIB), tandis qu’un défaut prolongé coûterait 8,3 millions d’emplois et 6,1 % du PIB.
Conséquences sur les marchés internationaux
Dans le même temps, les investisseurs se tourneraient vers des actifs qui apparaîtraient comme plus sûrs que la dette américaine, en particulier les obligations d’autres pays, notamment européens ou asiatiques. Ce qui ne ferait que renforcer la nécessité pour la Réserve fédérale américaine d’augmenter des taux d’intérêt afin de faire revenir les acheteurs (avec les effets que l’on connaît déjà au niveau des entreprises américaines et des consommateurs qui verraient leurs coûts d’emprunt grimper encore davantage).
Certains y voient déjà une aubaine pour la France dont les obligations souveraines pourraient bénéficier d’un afflux de capitaux en provenance d’investisseurs qui se désengageraient de la dette américaine. Mais les rendements des obligations américaines servent de référence pour de nombreux autres marchés obligataires mondiaux, y compris celui de la France. Pas sûr donc qu’on ait les moyens d’offrir une alternative plus sûre sans devoir, nous aussi, renchérir fortement nos taux d’intérêt. Ce qui, là encore, ne serait pas très favorable au marché du crédit, de l’investissement et de la consommation pour les Français.
Quant au dollar, non seulement une baisse notable par rapport aux autres devises aurait un impact sur le commerce international et les échanges économiques mondiaux, mais cela viendrait aussi directement pénaliser les banques centrales dont les réserves sont constituées en partie de devises américaines et servent à maintenir la stabilité financière internationale face aux chocs économiques ou aux crises de marchés.
Pourquoi un défaut de paiement reste très improbable ?
Tout d’abord, en dépit des conflits partisans et des velléités particulièrement contestataires de certains élus aux opinions un peu extrêmes, l’essentiel de la classe politique américaine est parfaitement consciente des enjeux économiques de cette passe d’armes autour du relèvement du plafond de la dette. Tous les risques énumérés plus haut, et d’autres plus complexes encore, sont parfaitement connus et servent justement d’épouvantail des deux côtés du ring politique entre Républicains et Démocrates.
Une “simple” négociation politique à l’approche des élections
C’est pourquoi, même si le débat semble tendu, beaucoup d’observateurs restent persuadés qu’il s’agit surtout d’un spectacle destiné à renforcer le positionnement de chaque camp auprès de ses électeurs à 18 mois des prochaines élections présidentielles. Dans les faits, les négociations sont toujours en cours pour trouver un compromis et relever le plafond de la dette, et c’est presque une tradition maintenant d’entretenir un climat tendu à l’occasion de ce rendez-vous désormais quasi annuel pour réaffirmer des points de vue idéologiques et tenter de faire progresser ses intérêts. En réalité, il y a peu de risque que tout ce beau monde ne parvienne pas à un accord, car tous veulent éviter un défaut de la dette qui aurait des répercussions néfastes sur l’économie et la réputation des États-Unis sur la scène mondiale.
La Constitution au secours de Biden
Néanmoins, si les débats aboutissaient à une impasse, tout ne serait pas perdu pour Joe Biden. En effet, hormis la possibilité aussi originale que farfelue (mais parfaitement légale !) de frapper une pièce de monnaie de 1000 milliards de dollars qui lui permettrait de s’affranchir de l’aval du Congrès, le président dispose d’une dernière arme un peu moins discutable car prévue par la Constitution, et en particulier son 14e amendement. Ce texte, ajouté à la Constitution en 1868, juste après la guerre de Sécession, stipule que la validité de la dette publique des États-Unis, si elle a été autorisée par la loi, ne doit pas être remise en question. En d’autres termes, les dépenses déjà votées doivent être honorées. Ainsi, indépendamment de la décision du Congrès, les Etats-Unis ont toujours le devoir constitutionnel de payer leurs obligations. Joe Biden pourrait alors tout simplement demander à la secrétaire au Trésor, Janet Yellen, de continuer à émettre de la dette si nécessaire pour payer les factures du pays, comme si le plafond de la dette n’existait pas.
Une intervention possible de la Fed
Enfin, la Réserve fédérale (Fed) disposerait également d’une certaine capacité d’action pour éviter un défaut, ou en tout cas pour en atténuer les effets, mais son président Jerome Powell a déclaré que ce ne pourrait être qu’une solution de dernier recours et de manière très limitée. Ainsi, dans le passé, et notamment en 2011 et 2013 — deux autres années marquées par des conflits sur la dette — la Fed avait envisagé certaines mesures exceptionnelles, comme par exemple retirer les titres du Trésor en défaut de la circulation, en les achetant ou en les échangeant contre d’autres titres qu’elle possède. Mais même si Jay Powell a admis qu’il pourrait éventuellement étudier ce genre de solutions dans certaines circonstances, il avait déjà eu l’occasion de s’exprimer à leur sujet il y a quelques années en les qualifiant toutefois de « répugnantes ».
Guerre en Ukraine : les sanctions contre la Russie ont-elles été efficaces ?
Récemment, le Fonds monétaire international (FMI) a relevé ses prévisions de croissance pour la Russie en 2023 de 0,3 % à 0,7 %. Dans le même temps, on apprend que les milliardaires russes n’ont jamais été aussi riches et qu’à Moscou, tous les produits européens sont toujours disponibles. C’est à se demander si les sanctions occidentales à l’égard de la Russie contre son intervention en Ukraine ont vraiment servi à quelque chose…
Des sanctions qui ne datent pas de 2022
Certains pourraient arguer que les sanctions sont encore trop récentes pour avoir donné leur plein effet. Sauf que des sanctions contre la Russie et son ingérence en Ukraine, l’Occident a commencé à en appliquer il y a près de dix ans maintenant, plus précisément depuis février 2014 et l’annexion de la Crimée par la Fédération de Russie de Vladimir Poutine. Ce dernier voyait en effet d’un très mauvais œil le rapprochement de cette petite province péninsulaire ukrainienne avec l’Union Européenne.
Évidemment, les réactions internationales ne se sont pas fait attendre et, dès le 28 février 2014, le président américain Barack Obama avait fait les gros yeux (en excluant tout de même la moindre participation active au conflit, comme c’est encore le cas aujourd’hui). S’en sont ensuivi tout un tas de réactions indignées des principales organisations internationales ainsi que des pays majeurs de la bonne société diplomatique mondiale, à commencer par une première série de sanctions économiques, diplomatiques et sportives (on venait de vivre les XXIIe Jeux Olympiques d’Hiver… en Russie !).
Finalement, cette réprobation internationale s’est soldée par le gel d’actifs financiers d’une trentaine de personnalités russes de second rang (donc pas Vladimir Poutine), le refus de crédits européens à plusieurs banques et compagnies pétrolières russes, sans oublier l’interdiction d’exporter des biens pouvant être détournés militairement ainsi que d’équipements pétroliers vers la Russie.
On s’en doute, l’effet a été plutôt modéré, d’autant plus que la Russie est elle-même productrice de pétrole (c’est même le 3e plus gros pays producteur au monde, presque ex-aequo avec l’Arabie Saoudite) donc peu sensible aux restrictions sur les produits pétroliers. De la même façon, l’industrie militaire russe, en dépit de ses carences, est également l’une des plus productives sur la planète et n’a probablement pas besoin de biens étrangers « pouvant être détournés militairement ». Enfin, les restrictions financières concernaient principalement les relations avec l’Union Européenne, mais ne disaient rien sur d’éventuels financements en provenance d’Asie, et plus particulièrement de Chine, pays historiquement allié de longue date avec la Russie.
Les nouvelles sanctions après l’attaque de l’Ukraine
24 février 2022, Vladimir Poutine décide une fois de plus de laisser libre cours à son fantasme de la Grande Russie réunifiée et repart à l’assaut de l’Ukraine, laquelle n’était pas non plus un modèle de stabilité politique ni d’éthique démocratique en raison des guerres intestines menées depuis 8 ans par le pouvoir central de Kiev contre ses provinces pro-russes du Donbass.
Cette fois, Poutine sort le grand jeu et c’est une véritable invasion qui se déroule en direct sous les yeux du monde entier. Difficile alors pour la communauté internationale de rester de marbre, surtout qu’elle était censée avoir pris des mesures suffisamment sévères (hem…) depuis 2014 pour dissuader la Russie de recommencer à faire des bêtises (re-hem…).
Là, on ne plaisante plus. Des Etats-Unis à l’Union européenne, en passant par tous leurs alliés aux voix plus ou moins timides, l’écrasante majorité des nations condamnent les agissements de la Russie. Et durant la première semaine de guerre, les sanctions sévères occidentales commencent à pleuvoir. Rien que du côté de l’Union européenne, premier marché économique désigné de la Russie, la contrainte se veut forte pour tordre le bras de Vladimir Poutine et le renvoyer dans son coin.
- Armes : forcément, interdiction de vente d’armes et équipements militaires à la Russie
- Pétrole russe : embargo
- Charbon russe : embargo
- Or russe : embargo
- Banques russes : exclusion de la plupart d’entre elles du système bancaire Swift et gel des avoirs de la Banque centrale russe hors de Russie
- Cryptomonnaies : interdiction des transactions avec les ressortissants russes
- Aéronautique : fermeture de l’espace aérien européen à l’aviation russe et interdiction de vente d’avions et d’équipements aux compagnies aériennes russes
- Transports de marchandises : fermeture des ports de l’UE aux bateaux russes et interdiction des routes de l’UE aux camions russes
- Métaux : interdiction d’acheter des produits sidérurgiques russes finis et semi-finis
- Communication : fermeture des antennes européennes de Russia Today, Sputnik, Rossiya RTR/RTR Planeta, Rossiya 24/Russia 24, Rossiya 1, TV Centre International, NTV/NTV Mir, REN TV et Pervyi Kanal
Sanctions individuelles : interdiction de séjour et gel des avoirs de Vladimir Poutine, d’oligarques russes et d’un grand nombre de personnes et entités soutenant l’effort de guerre de la Russie
Des conséquences finalement très limitées pour la Russie… mais pas pour l’Europe
Cette fois-ci, on en est sûr, on va faire mal à la Russie parce qu’on va la frapper directement au portefeuille. Certains parlent même de « détruire » l’économie russe pour empêcher Poutine de financer son effet de guerre. D’ailleurs, les premières conséquences ne se font pas attendre puisque le rouble s’effondre presque immédiatement, passant de 78 roubles pour 1 dollar à 138 roubles quelques jours plus tard, soit une dégringolade de quasiment 50%.
Sauf que très vite, la devise Russe se reprend et remonte même au taux de 57 roubles pour un dollar, soit un niveau jamais vu depuis 2018 !
De la même façon, les premiers à souffrir des différents embargos décidés par les Européens sur les productions russes… sont les Européens eux-mêmes. Notamment en raison de la forte dépendance de certains pays majeurs de l’Union (comme l’Allemagne par exemple !) au gaz et au pétrole russe. Les produits énergétiques se font rares, et certains produits agricoles aussi : Russie et Ukraine représentent par exemple 30% de la production mondiale de blé. Conséquence directe, les prix flambent en Europe, les consommateurs de l’UE voient l’inflation déjà sous-jacente littéralement exploser… et les milliardaires russes s’en mettent plein les poches ! Selon le dernier calcul du classement du magazine Forbes, grâce à la guerre en Ukraine et à la hausse du prix des matières premières jusqu’ici dominées par la Russie, les oligarques du pays, dont la plupart sont des industriels, ont vu leur fortune croître de 152 milliards de dollars en 2022. Il y a même désormais 22 milliardaires de plus en Russie qu’en 2021, portant leur nombre à 110. Et ils auraient été plus nombreux encore si certains, comme Nicolaï Storonsky, le fondateur de Revolut, n’avaient pas renoncé à la citoyenneté Russe.
Et les citoyens dans tout ça ?
Évidemment, il n’est pas facile d’obtenir des informations précises de la vie quotidienne en Russie, et on sait qu’un grand nombre de citoyens russes ne soutiennent pas la politique belliqueuse de leur président. Néanmoins, il semble que, dans les grandes villes en tout cas, la vie des habitants n’ait pas beaucoup changé depuis l’application des sanctions occidentales.
Ainsi, s’il est vrai qu’un grand nombre de marques emblématiques occidentales ont quitté la Russie depuis un an, la plupart de leurs restent parfaitement disponibles. En effet, s’il est bien interdit d’acheter des produits russes pour éviter d’aider Poutine à financer sa guerre, rien n’interdit en revanche les Russes d’importer et d’acheter des produits en provenance de l’étranger. En clair, malgré les embargos et les contraintes visant l’économie russe, les flux dans l’autre sens ne sont quasiment pas concernés. Et les camions non-russes transportant du Coca-Cola, des vêtements Zara ou même des meubles IKEA continuent à franchir librement la frontière russe en toute légalité, la plupart du temps en provenance de pays hors-UE. Sans oublier les citoyens eux-mêmes qui ne subissent aucune restriction de circulation et qui reviennent de l’étranger les bras (et les valises !) chargés de produits occidentaux.
Bref, à part peut-être des délais de livraison légèrement plus longs, les Russes peuvent toujours acheter ce qu’ils veulent où ils veulent. Les joies de l’économie mondialisée. Mieux encore, certaines grandes enseignes occidentales ont revendu leurs activités à des sociétés basées dans des pays qui n’étaient pas concernées par les restrictions à l’égard de la Russie (comme les Emirats Arabes Unis par exemple) afin de pouvoir continuer à écouler leur marchandise sans entrave. De mauvaises langues pourraient imaginer que ces nouvelles sociétés ont été justement créées ou partiellement rachetées par ces mêmes groupes européens qui leur ont revendu leur activité vers la Russie, mais ce ne serait que pure spéculation bien loin de l’éthique qui anime en toute circonstance les grandes entreprises du capitalisme mondial.
Alors ces sanctions, efficaces ou non ?
Malgré tout, on peut quand même noter que les sanctions occidentales ont pas mal compliqué la vie de Vladimir Poutine. D’abord parce qu’il pensait que l’Europe, qu’il comparait à une petite vieille femme frileuses, allait le laisser tranquillement jouer au petit soldat alors que finalement il doit aujourd’hui composer avec une armée ukrainienne très lourdement équipée par tous les pays de l’Union. Ce qui lui coûte à la fois très cher financièrement, humainement et politiquement.
D’autant qu’il est désormais particulièrement isolé sur la scène internationale, y compris sur son aile Est où il espérait bien compter sur un soutien de la Chine. Sauf que cette dernière à d’autres ambitions et qu’entre un marché russe assez instable et un marché commercial européen représentant environ 10 fois plus d’argent, son calcul est vite fait. Quitte à se priver d’une source possible de revenus, autant couper la plus petite.
De la même façon, même si le rouble est revenu à des niveaux d’avant-crise, c’est surtout lié à des effets d’augmentation des produits pétroliers et de raréfaction de la devise russe en circulation (eh oui, ce qui est rare est cher, etc…). Les sanctions compliquent donc beaucoup la dépense de ces roubles dont les Russes ne savent plus trop quoi faire, puisqu’ils ont beau être forts, ils ne sont plus vraiment acceptés nulle part.
A terme, on peut donc imaginer que les puissants oligarques finiront par se lasser d’être riches uniquement en Russie mais persona non grata partout ailleurs, là où justement ils aimaient passer l’essentiel de leur temps. Avec un régime politique largement soutenu par une minorité de milliardaires influents, il est donc possible que les sanctions économiques atteignent leur but en faisant cesser la guerre et en poussant Vladimir Poutine à abandonner le pouvoir. Mais peut-être pas à la manière occidentale…
L'inflation en temps réel - Avril 2023
• Inflation en direct
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Avril 2023
Article publié le Vendredi 28 Avril 2023
À 5,9% en avril, il valait mieux ne pas se découvrir d’un fil
Les amateurs de « petite reine » regarderont certainement le nouveau documentaire sur Netflix avant notre graphique et pourtant, il semblerait que contrairement à la moyenne de la zone Euro, la France ait du mal à passer le col de l’inflation.
Sur 12 mois, cette fameuse et redoutée inflation en France affiche un rebond de 5,9% (+6,9% si on en croit l’indice des prix à la consommation harmonisée) et de +0,6% sur un mois.
Dans le détail, le seul recul effectif dans les postes de dépenses se situe dans l’énergie où les prix baissent en moyenne de 0,5% sur un mois. Côté alimentation, pas d’explosion significative malgré la fin des négociations interprofessionnelles mais on note tout de même une hausse de 0,6% sur un mois. Quant aux services, la hausse est d’1% sur un mois.
Le voisin espagnol au tableau d’honneur
Il est loin le temps où la France paraissait bonne élève dans l’endiguement du phénomène puisque de l’autre côté des Pyrénées (non loin du col du Tourmalet), en Espagne, l’inflation affiche une baisse significative entre Février et Mars 2023 passant de 6 à 3,3%.
Dans les faits, la péninsule ibérique profite de deux phénomènes :
- La baisse des coûts de l’énergie qui avaient fortement augmenté au début de la guerre en Ukraine il y a tout juste un an.
- Un plan de soutien du gouvernement espagnol à destination des ménages sur l’alimentation en supprimant la TVA sur les produits de premières nécessités.
Mars 2023
Article publié le Lundi 3 Avril 2023
L’alimentaire à +16% sur un an calme l’enthousiasme autour d’une baisse de l’inflation
Le plateau inflationniste est aussi long que le viaduc de Millau ou le pont de San Francisco. En mars, l’inflation qui marque légèrement le pas à +5,6% sur un an reste tout de même bien haut sur notre graphique.
Il faut dire que plusieurs postes de dépenses pèsent lourds dans le budget des ménages comme l’alimentaire qui prend 1,7% sur un mois et 15,8% sur un an ou l’énergie qui affiche une augmentation de 20% en moyenne annuelle. L’autre hausse concerne les fumeurs de Gitanes qui voient leur paquet de cigarettes bondir de 7,6% sur un mois (les Gitanes n’existent plus depuis 2016 mais les fans de Gainsbourg apprécieront NDLR).
Février 2023
Article publié le Lundi 28 Février 2023
Avant le « Mars Rouge » annoncé, l’inflation en France égale son niveau record à 6,2%
A l’heure où nous écrivons ces lignes, il ne reste plus que quelques instants avant la fin des accords commerciaux entre fournisseurs et distributeurs qui fixent les jalons de prix sur l’année 2023.
En attendant les conclusions de ce rapport de force – et de voir les conséquences directes pour le consommateur – l’inflation sur un an se stabilise à un haut niveau : 6,2%.
Dans le détail, les deux postes de dépenses qui explosent sont l’énergie à plus de 22% en moyenne sur les 12 derniers mois et l’alimentaire qui affiche une hausse de 14,5% par rapport à Février 2022.
Novembre 2022
Article publié le Lundi 7 Novembre 2022 - Mise à jour le 30 Novembre 2022
À 6,2% sur 1 an, l’inflation en France se maintient à un haut niveau
La France est-elle en train de vivre son pic inflationniste ? Rien n’est sûr. Avec une hausse de 0,4% sur un mois et un chiffre stable à 6,2% sur un an, la baisse des aides de l’État sur les carburants risque de peser un peu plus sur le budget des ménages et des entreprises dans les prochaines semaines.
Du côté de l’indice des prix à la consommation, si on observe un statuquo d’un mois sur l’autre, la facture reste salée pour les produits alimentaires et l’énergie qui voient leur prix bondir à plus de 10% sur un an.
10%, c’est d’ailleurs le taux d’inflation annoncé pour la zone Euro en Novembre. Une zone Euro dans laquelle la France continue à tenir le rôle de bon élève sur la préservation du pouvoir d’achat des ménages si on en croit cet article de la rédaction des Echos .
Les banques centrales accélèrent leur politique de réhausse des taux
La FED ne change pas de cap
Quatrième hausse consécutive pour le taux directeur américain. Avec 75 points de base supplémentaires (désormais entre 3,75 et 4%), le gouverneur Powell souhaite plus que jamais enrayer la frénésie inflationniste aux Etats-Unis. Mais à quelques jours des élections de mi-mandat, il est probable que cette décision soit la dernière d’une telle intensité.
Octobre 2022
Article publié le Vendredi 28 Octobre 2022
Une inflation qui repart à la hausse et la croissance française plutôt morose au troisième trimestre
Retour au pic d’inflation
L’INSEE a publié ce matin les chiffres provisoires de l’inflation en France. Et tout ce que l’on peut dire, c’est qu’ils ne sont pas bons. Après une accalmie en Septembre autour des 5,6%, l’indice des prix à la consommation repart fortement à la hausse pour atteindre 6,2%, un pic jamais atteint depuis 1985.
La hausse des prix s’installe durablement
L’organisme public de la statistique explique ce rebond par un contexte particulier notamment sur le marché pétrolier après la réduction de la production décidée par l’OPEP, un climat social tendu chez Exon et TotalEnergies et un Euro faible face au Dollar. Les prix de l’alimentaire s’envolent eux aussi à plus de 12,8% (et près de 20% par rapport à Octobre 2021) et participent à alourdir la facture des ménages.
La BCE continue sa politique de hausse des taux
Le maintien de l’inflation autour des 2% étant la mission principale de la Banque Centrale Européenne – et aux vues des résultats actuels dans la zone Euro où l’indicateur économique dépasse les 10% – Christine Lagarde a annoncé Jeudi 27 Octobre une nouvelle hausse de 75 points de base du taux directeur, rendant ainsi les investissements plus chers et donc plus difficiles. Et alors que la dette de certains États semble stratosphérique, notamment en Italie, les décisions de la banquière centrale pourraient être lourdes de conséquences.
Le Produit Intérieur Brut de la France en perte de vitesse
+0,2% sur le troisième trimestre 2022, c’est le résultat annoncé par l’INSEE concernant l’évolution du PIB français. Le chiffre est largement plombé par la balance commerciale avec des importations soutenues (+2,2% vs +1,2% sur le trimestre précédent) notamment en matière d’électricité et un commerce extérieur qui dévisse (-0,5 point vs 0 lors des deux précédents trimestres). Côté ménage, la consommation est stable (contre +0,3% au second trimestre) sur fond de hausse des prix de l’énergie et de réduction des dépenses alimentaires.
Intelligence artificielle dans la finance : opportunité ou danger ?
La finance a depuis longtemps adopté la technologie pour optimiser ses résultats. Néanmoins, les récents développements de l’intelligence artificielle (IA) offrent une toute nouvelle perspective d’évolution en matière d’analyse de données en temps réel, de rapidité et d’efficacité. Cependant, face à la tentation de céder toujours plus de terrain à la technologie dans la gestion financière, l’IA suscite également de plus en plus d’inquiétudes quant à la sécurité des données, au risque de création d’une bulle financière qui serait trop rapide pour être enrayée par l’homme, sans oublier la perte d’un grand nombre d’emplois chez les professionnels de la finance et de la banque.
IA : quel intérêt pour l’économie et la finance ?
Alors que la question n’intéressait que les geeks il y a encore un an ou deux, plus personne ne doute désormais que l’intelligence artificielle est en train d’influencer fortement la façon dont les entreprises vont évoluer au cours de la décennie à venir. Et le secteur financier constitue sans doute l’un des domaines où cette évolution va se faire le plus rapidement.
En effet, pour les experts de la finance, et de la banque en particulier, l’information est souvent la clé de la réussite. Mais la rapidité d’analyse et de réaction, ainsi que la capacité de s’adapter aux fluctuations permanentes des marchés, peuvent faire toute la différence entre croissance économique et crise systémique, ou dit autrement entre fortune et ruine. L’ennui, c’est que notre économie mondialisée génère désormais des quantités phénoménales de données chaque seconde, bien trop pour être correctement traitées par une intelligence humaine. L’informatique a donc depuis longtemps relayé les hommes dans la gestion et le traitement de la Big Data financière et économique, mais l’IA y apporte aujourd’hui quelque chose de plus : la compréhension et la capacité à en déduire des modèles de marché, la possibilité d’émettre des hypothèses et de les tester en quelques millisecondes pour finalement permettre aux institutions financières de prendre des décisions optimales avec une gestion du risque parfaitement maîtrisée.
Quel est le rôle de l’intelligence artificielle dans l’économie et la finance ?
Pour ceux qui l’ignoreraient encore, l’intelligence artificielle est un domaine de l’informatique qui vise à développer des machines capables de penser et d’agir (et aussi d’apprendre, grâce au machine learning) comme des humains. Mais plus vite, beaucoup plus vite. Et si possible sans être influencé par des émotions parasites, sans peur ni enthousiasme excessif, sans parti pris idéologique, bref, efficacement.
C’est en grande partie ce qui effraie les professionnels du marché financier, qui se sentent aujourd’hui renvoyés à leur nature imparfaite, fragile même, presque incompatible avec les nécessités d’une économie digitale où les réponses rapides ne doivent plus être données et effectuées dans l’heure mais dans la nanoseconde, un temps parfaitement inaccessible à l’homme.
Bien sûr, le rôle de l’IA en économie peut aussi être appréhendé du point de vue strictement utilitaire, sans menacer la prééminence humaine dans toutes les décisions. Ce serait une sorte de super-assistant capable de mâcher le travail et d’automatiser les tâches répétitives en quelques secondes, afin de laisser ensuite aux professionnels le soin d’apporter leur expertise, de prendre des décisions plus éclairées ou encore de lancer de nouveaux produits en un minimum de temps.
Mais on ne peut occulter que même une IA peu développée entraînera fatalement une perte d’emplois dans les entreprises de la finance, sans doute parmi les employés les moins qualifiés, ceux qui étaient par exemple chargés de la collecte, de la synthèse et de l’analyse de données, par exemple, autant de tâches qui peuvent maintenant être facilement (et à moindre coût !) automatisées en un temps record avec un résultat proche de la perfection. Certains songent d’ailleurs déjà à réglementer l’usage de l’IA pour obliger les entreprises à utiliser ces nouveaux moyens de manière responsable et éthique, en garantissant par exemple que les professionnels de la finance soient formés pour travailler aux côtés des algorithmes d’IA.
Comment l’intelligence artificielle investit le secteur bancaire ?
Quoi qu’il en soit, en raison des performances inouïes qu’elle offre aujourd’hui, l’IA a très vite séduit les investisseurs du secteur bancaire et de l’assurance. Premier champ d’application visé : le trading. Les banques et les institutions financières ont en effet besoin d’analyser de grandes quantités de données en temps réel pour détecter des tendances et des opportunités d’achat ou de vente qui peuvent se jouer à la seconde près.
Mais l’IA peut également offrir une sécurité supplémentaire face au risque en identifiant des anomalies et des comportements inhabituels dans les données financières. Et on ne parle pas simplement de mouvements de fond majeurs sur les marchés, mais également de gestion financière individualisée en repérant les risques de crédit de certains clients, voire des fraudes ou même des indices d’activités criminelles. Une sorte d’assurance contre les risques prévisibles, certes, mais parfois trop discrets pour être décelés facilement.
De la même façon, l’IA peut être utilisée pour créer des portefeuilles d’investissement totalement personnalisés en fonction des préférences de chaque client, mais aussi de ses objectifs financiers. Des portefeuilles qui peuvent d’ailleurs évoluer dynamiquement suivant l’état des marchés afin d’optimiser les rendements.
Les rendements, justement, parlons-en. Même si on nous répète que les performances passées ne préjugent pas des performances futures, certains modèles d’IA peuvent toutefois s’appuyer sur une analyse très fine des historiques de cours en intégrant l’influence des éléments extérieurs pour anticiper (prédire ?) la rentabilité future de certains actifs financiers, mais aussi les tendances économiques et les fluctuations d’un marché. Des prévisions on ne peut plus précieuses pour la banque traditionnelle à l’heure où son modèle économique ainsi que ses marges sont de plus en plus concurrencés par la finance alternative (banques en ligne, crypto actifs, etc).
Pourquoi alors avoir peur de l’IA dans la finance ?
On l’a évoqué plus haut, tous les avantages apportés par l’intelligence artificielle s’accompagnent d’inconvénients, voire de risques, qui pourraient bien excéder les bénéfices. On a déjà parlé des dangers dans le monde de l’entreprise, mais on peut aussi discuter de sécurité des données client, et même de légitimité des conclusions données par des IA qui ne sont peut-être pas aussi impartiales et exactes qu’on le pense.
Quels sont les 3 types d’intelligence artificielle ?
Mais tout d’abord, de quelle IA parle-t-on précisément lorsqu’on évoque ces risques ? Car, oui, il existe plusieurs types d’intelligence artificielle.
On a d’abord l’IA faible, conçue pour effectuer des tâches spécifiques telles que la reconnaissance vocale ou la détection de fraudes. C’est l’assistant numérique sympathique, celui qui nous aide à améliorer notre productivité et à optimiser notre temps. La plupart des outils conversationnels du type ChatGPT entrent dans cette catégorie. Oui, oui, même s’ils semblent déjà particulièrement avancés.
Puis vient l’IA forte, qui est chargée quant à elle d’effectuer des tâches cognitives complexes, telles que la résolution de problèmes et la prise de décisions sur la base des données collectées. Qu’on se rassure, rien de public pour l’instant, même si les IA de création graphique (dessin, peinture, photo ou plus récemment vidéo) donnent l’illusion de concevoir des œuvres ex-nihilo ; en réalité, elles se contentent de copier, ou plutôt de “faire à la manière de” en calculant des probabilités de cohérence par rapport à des milliards de milliards d’exemple à leur disposition. Dans les faits, il existe assez peu de projets aboutis en matière d’IA forte, c’est-à-dire capable d’analyser ET de décider par elle-même d’une manière générale, y compris dans les laboratoires de recherches les plus avancés. Mais le processus est en marche.
Enfin, on a l’IA super intelligente, celle qui bien qu’hypothétique est de plus en plus probable à moyen terme pour ceux qui s’intéressent à la question. Et surtout celle pour laquelle il faudra créer un cadre strict à la fois dans son usage et dans son déploiement (un peu comme pour l’arme nucléaire), car une telle IA serait très certainement capable de surpasser l’intelligence humaine.
Quels sont les dangers de l’intelligence artificielle ?
L’IA peut être utilisée dans la plupart des domaines d’activité, non seulement dans les services financiers, mais aussi dans les transports (véhicules autonomes, optimisation de trafic routier, aérien, ferroviaire…), la production (perfectionnement des processus de fabrication, amélioration de la qualité des produits…), ou encore dans la santé.
Déjà, on imagine aisément que la première crainte concerne l’emploi. L’automatisation de la production ou des services s’est toujours accompagnée d’une disparition des métiers que la technologie venait remplacer. Et on peut prévoir toutes les politiques de management ou de formation que l’on veut, on ne transformera jamais tous les chauffeurs routiers en opérateurs de drones ni tous les ouvriers de chaînes de production en ingénieurs de lignes de machines 3D. Quant aux employés de banque, difficile de tous les reconvertir en data scientists, en analystes financiers ou encore en ingénieurs anti-cybercriminalité. Une étude publiée le 26 mars 2023 par les économistes de Goldman Sachs évoque ainsi le nombre de 300 millions d’emplois à temps plein dans le monde qui sont d’ores et déjà directement menacés par les IA de toutes sortes.
Mais au-delà de cette crainte légitime, d’autres risques existent bel et bien. Tout d’abord, l’utilisation de l’IA soulève des préoccupations en matière de sécurité des données, principalement dans le domaine financier. En effet, comme les entreprises de santé d’ailleurs, les banques collectent et stockent de grandes quantités de données sensibles sur leurs clients, ce qui les expose à des risques de cyberattaques et de vol de données. Du reste, l’utilisation de l’IA peut être plus ou moins volontairement exposée aux biais de leurs concepteurs comme de leurs utilisateurs. On a déjà vu plusieurs exemples d’intelligences artificielles dont les réponses étaient conditionnées par les préjugés positifs ou négatifs des ingénieurs qui avaient travaillé à leur création ou leur “entraînement” (ou machine learning). Comment s’assurer alors que les choix dictés par une IA en matière d’investissement ne conduiront pas à la création d’une bulle financière, par exemple, parce que les algorithmes auront été influencés par l’appétence plus ou moins marquée d’un développeur pour tel marché ou telle stratégie économique ?
Une bulle de cette nature pourrait alors devenir cataclysmique car, justement, hors de portée des acteurs humains trop lents, pas assez réactifs et privés probablement d’un grand nombre d’informations auxquelles aura eu accès l’IA… sans la moindre intervention humaine..
On peut enfin craindre une utilisation abusive de l’intelligence artificielle digne des plus stressantes dystopies littéraires ou cinématographiques dans lesquelles les IA contrôlent non seulement la gestion des entreprises, des organismes financiers et de l’État, mais également la vie des citoyens eux-mêmes. Encore que certains endroits du monde connaissent déjà ce genre d’abus dans l’utilisation des données personnelles, en particulier la Chine, où la surveillance vidéo omniprésente, couplée à une IA particulièrement puissante et intrusive, permet de quantifier le « mérite citoyen » de chaque individu (appelé aussi son « crédit social »), lui donnant ainsi accès ou non à certains droits ou même certains contrats d’assurance.
Sans aller dans ces extrêmes, on peut parfaitement concevoir des systèmes pilotés par IA qui accentueraient le principe de scoring des banques (qui existe déjà) afin de déterminer quelle entreprise aura droit à un crédit, ou quel client pourra bénéficier d’une assurance, mais aussi à quel taux, dans quelles conditions, et ce sans le moindre traitement humain.
Les marchés financiers imperméables aux crises
Qu’il s’agisse de guerres, de crises économiques, de phénomènes climatiques ou sanitaires majeurs, en un mot de crises qui affectent plus ou moins lourdement l’activité industrielle et commerciale à l’échelle d’un pays, d’un continent, voire de la planète tout entière, l’or et les métaux précieux ont toujours joué leur rôle de réserve de valeur pour les individus comme pour les Etats. Véritables capsules patrimoniales figeant et préservant le pouvoir d’achat en attendant la fin des crises, ces valeurs refuges n’offrent pour autant aucune perspective de rentabilité ni même d’enrichissement net dès le retour à une situation économique plus stable.
Les marchés financiers, en revanche, s’ils pâtissent très souvent des nombreuses turbulences sociales ou politiques qui peuvent ébranler les économies, se relèvent non seulement très rapidement eux-aussi après les crises, mais en profitent également pour surperformer et franchir de nouveaux seuils à mesure que l’activité humaine se rétablit. Un peu comme si, après un coup dur, on ne voulait pas se contenter de réparer mais qu’on cherchait plutôt systématiquement à faire mieux qu’avant.
A cet égard, on comprend que les marchés financiers accompagnent l’enthousiasme général d’un retour à la normale après les crises, et reflètent le regain d’énergie de tous les secteurs d’activité qui contribuent à restaurer l’économie. Mais concrètement, comment ça marche ? Ou plus exactement, quelles sont les raisons pour lesquelles – encore récemment, après l’épidémie mondiale de Covid-19 par exemple, ou suite à la guerre en Ukraine menée par la Russie – les marchés financiers finissent toujours par rebondir après une crise, quelle que soit sa nature ?
Des anticipations de marché autoréalisatrices
L’économie mondiale est résiliente par nature. En effet, toutes les crises de l’histoire n’ont été que passagères, même si elles ont parfois duré plusieurs années. Cela, les investisseurs le savent et ils restent donc optimistes sur le long terme, car ils connaissent la capacité de l’économie à se remettre des crises.
A plus forte raison quand on sait les efforts que les gouvernements ainsi que les banques centrales ont été capables de déployer ces dernières années pour venir à bout des crises économiques majeures. Ainsi, tandis que les Etats ou les organisations supra-étatique (l’Union européenne notamment) dégageaient des centaines de milliards d’euros pour soutenir et stimuler l’activité économique (subventions et prêts aux entreprises en difficulté, « chèques » aux particuliers pour préserver le pouvoir d’achat des ménages, financement de chômage partiel…), les banques centrales, de leur côté, encourageaient fortement la consommation et l’investissement en pratiquant une politique de taux bas tout en continuant à racheter des obligations d’Etat pour soutenir la dette consécutive à la générosité publique. Des actions qui viennent conforter les anticipations positives de marché, car au final, on sait que ça ira mieux parce que tout le monde fera en sorte que ça aille mieux.
Il ne faut pas non plus négliger le rôle de la démographie dans le processus d’anticipation. En effet, la population mondiale continue de croître, ce qui signifie qu’il y aura toujours de la demande pour les produits et services de base. Une demande qui soutient mécaniquement la croissance économique à long terme, même en période de crise.
Le rôle de l’innovation technologique
On l’a vu durant la pandémie de 2020-2021, certaines technologies ont connu un développement accéléré dans le but de résoudre non seulement les difficultés directement liées à la situation sanitaire elle-même, mais aussi les problèmes d’organisation et de maintien de l’activité économique.
On peut bien évidemment évoquer les nouvelles technologies de lutte anti-virale à ARN messager, jusqu’ici confidentielles, mais qui ont pourtant été brusquement propulsées sur le devant de la scène en raison de leur plus grande aptitude à répondre rapidement et efficacement à une situation inédite. Des technologies qui végétaient depuis une dizaine d’années et qui ouvrent aujourd’hui la voie à un très grand nombre de nouvelles thérapeutiques dans des domaines aussi variés que la sclérose en plaques, les maladies cardiovasculaires, le diabète ou même la lutte contre le cancer.
Le télétravail lui aussi a vu son déploiement littéralement exploser pour faire face aux contraintes de distanciation sociale, créant une vraie révolution dans le monde des entreprises, à tel point que le travail à distance est devenu désormais un véritable argument de négociation entre salariés et employeurs. Avec, au passage, de nouveaux enjeux économiques et technologiques à la clé. Cette tendance a également eu des répercussions à long terme sur le marché immobilier professionnel, rebattant les cartes en matière d’investissements et de futurs choix stratégiques.
Au même titre que les guerres étaient autrefois les principaux « laboratoires » au sein desquels l’innovation technique faisait ses premières armes avant d’être étendue au monde civil, les innovations nées des crises modernes préfigurent l’essor de nouveaux pans de l’économie qui influenceront durablement les marchés financiers de demain. De manière plus pragmatique et aussi plus directe, les entreprises peuvent également utiliser de nouvelles technologies pour améliorer leur productivité et réduire leurs coûts, ce qui peut stimuler la croissance économique.
Une structure des marchés autoréparatrice
On a parlé plus haut du rôle des Etats et des banques centrales pour faciliter le rebond des marchés après les crises. Mais c’est parce qu’aujourd’hui, ces institutions sont devenues une partie intégrante de ces marchés, principalement en leur qualité d’organismes régulateurs. Des garde-fous, en quelque sorte.
De la même façon, la très grande fragmentation des marchés, aussi bien en nombre d’investisseurs (plus nombreux année après année) qu’en termes de secteurs d’investissement, favorise les reprises rapides en cas de crise. En effet, la finance, ce n’est plus simplement des actions, des obligations et des devises. C’est aussi des matières premières, des titres de suivi de performances, des indices, des contrats à terme, de l’immobilier, des métaux précieux, des actifs numériques, etc.
En diversifiant leurs portefeuilles, les investisseurs répartissent leur exposition et réduisent considérablement le risque de perte totale. Les marchés sont ainsi toujours assurés de pouvoir redémarrer depuis l’un ou l’autre de ces types d’actifs qui auront pu être épargnés par les crises. Un peu comme un organisme qui multiplie le nombre et le type de cellules qui le constituent, afin de s’assurer qu’il en subsistera toujours pour préserver l’essentiel de son patrimoine vital et relancer sa reconstruction.
La crise énergétique va-t-elle faire sombrer l’Europe ?
Depuis quelques mois, la crise énergétique est devenue la préoccupation première des Européens, dépassant même de l’inflation qui tutoie pourtant des sommets qu’on n’avait plus atteints depuis plusieurs décennies. A en croire les responsables politiques qui s’expriment sur le sujet, mais aussi les différents experts qui se succèdent sur les plateaux de télévision ou encore dans les colonnes des plus grands médias d’information, ce ne serait pas seulement notre confort individuel qui serait menacé, mais rien moins que la stabilité économique des principaux pays de l’Union Européenne.
Alors, réel danger ou mauvaise interprétation des risques ?
Quelle est l’origine de la crise énergétique actuelle ?
La première chose à comprendre c’est comment on en est arrivés là, ou plus exactement, quelles sont les causes qui ont pu nous amener à parler de crise énergétique depuis un peu plus d’un an maintenant.
Guerre en Ukraine et Covid-19 : coupables idéals
A cet égard, la guerre en Ukraine fait évidemment figure de coupable idéal, mais le problème est plus ancien, l’agression russe n’ayant que précipité une tendance qui se dessinait déjà plus d’un an auparavant. La pandémie de Covid-19, elle aussi, pourrait passer pour responsable de la situation énergétique actuelle ; d’abord en ayant amené les principales économies productrices d’énergie à réduire considérablement leur activité ; ensuite en ayant provoqué une explosion de la demande au sortir de la crise sanitaire. Mais là encore, si ces phénomènes sont bien réels et ont fortement contribué à la hausse des prix de l’énergie, ils n’en sont pas à l’origine.
Une augmentation de la demande plus ancienne
En réalité, il faut remonter plus loin et aller voir du côté de la Chine dont les besoins énergétiques ont considérablement augmenté depuis les années 2010. Des besoins qui ont même été multipliés par 10 si on ne prend en compte que le gaz naturel. Entre 2019 et 2020, malgré le fort ralentissement économique lié au coronavirus, la Chine a représenté un quart de la consommation mondiale d’énergie, une demande qu’elle est bien incapable de fournir en interne et qui en fait le premier pays importateur de la plupart des énergies fossiles, à commencer par le gaz qu’elle achète principalement aux Etats-Unis et à l’Australie sous forme liquéfiée (GNL), mais aussi dans une moindre mesure à la Russie par l’intermédiaire du gazoduc sibérien qui relie les deux pays.
Une accumulation de causes conjoncturelles
En 2021, comme partout ailleurs dans le monde, le relâchement relatif des contraintes sanitaires a relancé la production chinoise avec force, non seulement pour répondre à l’explosion de la demande extérieure de la part de nombreux pays qui voulait rapidement retrouver leur niveau de consommation d’avant-crise, mais aussi tout simplement pour recoller aux plans de croissance à long terme dictés par le Parti.
A cela il faut ajouter une décarbonation (relative !) de l’appareil industriel chinois, ce qui revient chez eux à troquer la houille et le charbon contre des énergies moins polluantes, même s’il s’agit encore de combustibles fossiles pour une grande partie, et donc de gaz naturel. Ce qui laisse supposer une demande encore accrue pour les années à venir, et donc de probables tensions sur les prix à venir.
Pour l’Europe, dont certains pays sont restés très dépendants du gaz russe, cette politique de forte demande chinoise couplée aux sanctions à l’encontre de Moscou en raison de la guerre en Ukraine ont entraîné non seulement une baisse très ponctuelle de l’approvisionnement dans le courant de l’année 2022, mais aussi et surtout de fortes craintes sur l’approvisionnement futur.
Découvrez ou redécouvrez l'interview de Nicolas Meilhan sur la crise énergétique
L'entretien a été réalisé dans le cadre de la rencontre annuelle AuCOFFRE en Décembre 2022.
Quelles conséquences réelles pour l’Europe ?
Pour la plupart des pays situés à l’Est de l’Europe, le gaz russe reste essentiel et les récentes sanctions contre les visées impérialistes de Poutine sonnent surtout comme une condamnation au ralentissement économique. Même l’Allemagne, qui a depuis longtemps basé son apparente prospérité sur l’absence de souveraineté énergétique efficace (on ne fait pas tourner un pays de 80 millions d’habitants avec des éoliennes et des panneaux solaires), se retrouve aujourd’hui prise au piège de sa politique de dépendance à l’égard de la production russe.
Mais doit-on pour autant redouter un hiver économique pour l’Union Européenne ? Fort heureusement non.
D’abord parce que la situation présente est loin d’être aussi catastrophique qu’on a bien voulu nous le faire croire. Et surtout parce que l’avenir s’annonce également bien moins sombre qu’on se plaît à l’anticiper dans le but, peut-être, de faciliter la hausse ponctuelle du prix de l’énergie.
Une Europe solidaire qui peut se passer du gaz russe
Passons rapidement sur la solidarité européenne qui a déjà fait ses preuves à de nombreuses reprises ces dernières années, qu’il s’agisse de pallier les crises financières, les problèmes d’approvisionnement sanitaire au moment de la crise de Covid-19 ou encore la mutualisation des besoins de financement. En matière énergétique aussi, cette solidarité a d’ores et déjà montré ses premiers effets, avec par exemple la France qui, depuis le 13 octobre dernier, achemine régulièrement du gaz à destination de l’Allemagne pour l’aider à compléter ses réserves.
Mais il faut également se souvenir que, d’une manière générale, la Russie n’est plus le premier fournisseur de gaz en Europe. La Norvège, l’Algérie, le Qatar et les Etats-Unis ont largement pris le relais.
Des prix de l’énergie en forte baisse
De la même façon, pour ne parler que de la France, notre pays est finalement très peu dépendant du gaz, quelle que soit son origine, et doit sa souveraineté énergétique à sa place de première puissance nucléaire civile au monde. Malheureusement, par le jeu d’un obscur calcul d’harmonisation tarifaire, le prix de l’énergie, et notamment de l’électricité, est fixé à partir du prix du gaz. Et c’est vrai que celui-ci a beaucoup augmenté sous l’effet des causes énoncées plus haut, mais surtout de manière anticipée par les marchés qui craignent une pénurie qui n’existe pas vraiment.
Sauf qu’il a beaucoup baissé depuis quelques mois, même si on oublie de le signaler. Selon l’Agence internationale de l’énergie, le prix de gros de référence pour le gaz vendu en Europe continentale (TTF) est passé de 340 € le mégawattheure en août dernier à 74 € aujourd’hui, soit une baisse de presque 80% ! Forcément, cette baisse va tirer les prix de l’énergie vers le bas et démontre également que l’offre peut répondre à la demande.
Une mauvaise anticipation de la réalité énergétique
D’ailleurs, alors même qu’on nous promettait un hiver de fin du monde, où allait devoir choisir entre manger et se chauffer (ce qui reste malheureusement le quotidien de millions de Français en dehors de toute crise particulière), il semble que la période des fêtes de fin d’année ne se soit pas si mal passée. Et pour cause : dès l’automne, on savait que notre capacité de production électrique allait suffire, en dépit de l’arrêt de presque la moitié de nos réacteurs nucléaires. On n’avait pas alors compté sur une relative douceur du climat (qui est tout de même assez fréquente sous nos latitudes depuis de nombreuses années maintenant), ni sur le fait qu’on allait rouvrir plusieurs réacteurs avant Noël, et encore moins sur la discipline des Français qui ont permis une réduction de 10% de la consommation d’électricité en quelques semaines à peine.
Les capacités françaises au beau fixe
Au final, non seulement les 43 réacteurs actuellement en fonctionnement assurent sans souci le surcroît de demande intérieure, mais la France est même redevenue exportatrice nette d’électricité, pouvant d’ailleurs ainsi compenser les besoins de certains de nos voisins européens. Quant à nos stocks de gaz, on savait également qu’ils nous permettraient de passer l’hiver sans problème. Et malgré les récents épisodes de froid qui nous ont obligé à piocher dans nos réserves, leur remplissage actuel de 83% reste largement au-dessus de tout niveau préoccupant. Comme partout ailleurs en Europe…
Enfin, nos capacités de production hydroélectriques sont elles aussi correctement rechargées puisque les réservoirs d’eau derrières nos barrages sont remplis à 71% de leur capacité, soit 6 points au-dessus de leur normale saisonnière.
Savoir prévoir
Par conséquent, on peut toujours imaginer un hiver 2023/2024 compliqué, et certains politiques ne se privent pas de faire planer cette menace pour justifier certaines mesures d’austérité, mais rien n’indique que ces sombres prophéties se réaliseront. L’aptitude des gouvernants à anticiper les crises durant ces dernières années autorise d’ailleurs une certaine réserve au sujet des perspectives qu’ils peuvent évoquer.
Une fois encore, c’est à chacun d’entre nous qu’il appartient de se préparer aux différentes éventualités, qu’il s’agisse de notre confort (en prévoyant une deuxième source de chauffage alternatif par exemple) ou encore de notre patrimoine en protégeant le pouvoir d’achat d’une partie de notre capital par l’achat d’or, si possible toujours disponible par l’intermédiaire d’une carte de paiement adossée à votre stock de métal précieux.
Les mécanismes d’inflation et de déflation dans les jeux vidéo
Inflation, déflation, stagflation… Depuis quelques mois, ces termes économiques sont répétés en boucle dans les médias. Mais connaissez-vous réellement leur signification, et leur impact sur votre quotidien ? À la suite de notre premier article pour mieux comprendre l’économie avec les jeux vidéo, nous vous proposons un décryptage des mécanismes d’inflation et de déflation… au travers de situations qui se sont déjà produites in game. Cliquez sur “START” et laissez-vous guider !
Résumé de l’épisode précédent :
- Un système économique se développe dans chaque jeu vidéo en ligne massivement multijoueurs (MMO) à partir du moment où il existe une communauté.
- Les joueurs créent de la valeur et la redistribuent. Pour cela, ils ont recours à une monnaie virtuelle in game (en jeu) ou au troc. Dans la plupart des cas, cette monnaie est mise en place par les développeurs : ils jouent le rôle d’une banque centrale !
- Les économies virtuelles des jeux évoluent et s’adaptent très rapidement : certains phénomènes progressent sur une année quand il leur faudrait des siècles IRL (in real life).
L’inflation : des prix qui augmentent et une monnaie qui perd de la valeur
Quand il faut dépenser plus… pour avoir la même chose
Selon l’Insee, l’inflation est une “perte du pouvoir d’achat de la monnaie, qui se caractérise par une augmentation générale et durable des prix”. Il s’agit donc d’un phénomène qui s’installe dans le temps et qui concerne l’ensemble des biens et services habituellement achetés par les consommateurs. Et pas uniquement de la hausse du prix des glaces en plein été.
Mais il faut aussi retenir que l’inflation peut avoir des causes différentes.
- Elle peut être causée par un déséquilibre entre l’offre et la demande : la notion de rareté par rapport à la demande entraîne une hausse du prix.
- Elle peut être liée à l’augmentation des coûts de fabrication, ou à la rareté des composants… ou des matières premières.
- Et elle peut aussi être entraînée par une augmentation de la masse monétaire du pays. En faisant tourner de façon excessive la planche à billets, la masse monétaire excède la valeur des biens existants. Leur prix en augmente d’autant !
À découvrir
Mieux comprendre l'économie avec les jeux vidéo
Le gaming n'est pas nécessairement déconnecté de la réalité
Fallout 76 : une masse monétaire excessive injectée dans le jeu entraîne une hausse des prix
Connaissez-vous le glitch ? Ce terme désigne une faille de programmation dans un jeu vidéo, qui peut être mise à profit par les joueurs pour exploiter un avantage. C’est exactement ce qu’il s’est produit dans le jeu vidéo Fallout 76, où les joueurs ont profité d’un glitch pour injecter des “caps” (la monnaie du jeu) en très grande quantité. Ils ont pris la main sur la planche à billets et ils l’ont fait tourner à plein régime !
En quelques semaines, l’économie du jeu, basée sur la vente d’objets entre joueurs contre des “caps”, s’est écroulée. Plus question de vendre des objets rares contre une monnaie qui avait perdu toute sa valeur !
Cette faille a eu trois conséquences sur l’économie du jeu :
- Dans un premier temps, le prix des objets s’est envolé : les joueurs avaient désormais les moyens de débourser trois ou quatre fois leur valeur initiale, quels que soient les biens (rares ou communs).
- Dans un deuxième temps, les joueurs se sont tournés vers le troc pour échanger leurs objets rares, alors que la monnaie du jeu continuait à se dévaluer. Une véritable crise de défiance vis-à-vis de la banque centrale !
- Dans un troisième temps, les développeurs – qui ont le rôle de banque centrale… – ont mis au point des monnaies alternatives pour limiter l’inflation de la monnaie initiale. Et notamment de l’or virtuel.
C’est un peu comme si, pour limiter une inflation galopante de l’euro et du dollar et une crise de confiance, nous revenions à une économie… basée sur l’or. Étonnant non ?
Le saviez-vous ? Dans les jeux vidéo, l’or (virtuel) est souvent utilisé comme monnaie de référence. Des pièces d’or dans World of Warcraft, New Word ou Conan Exiles par exemple. Il y a une bonne raison : même sous une forme complètement virtuelle, l’or véhicule toujours l’image symbolique d’une monnaie millénaire forte.
L’inflation dans World of Warcraft : un jour sans fin
Dans “WoW”, pour les intimes, les joueurs effectuent des quêtes et tuent des monstres avec leur personnage. Ils peuvent aussi acquérir des armes, des pièces d’armure et de la nourriture au fil de leur progression. Jusque là, rien de bien compliqué. La particularité d’un tel jeu est que le personnage peut ramasser des récompenses sur la vilaine bestiole fraîchement abattue : une arme, quelques pièces, ou encore des matières premières de type pierres précieuses, tissu ou cuir. S’il décide de ne pas les utiliser, il peut les vendre et donc gagner de l’argent. L’autre particularité d’un jeu comme WoW, c’est que les monstres ressuscitent (eh oui). Il est donc possible de récupérer des objets et de la monnaie à l’infini… à condition de passer de longues, trèèès longues, heures à tuer des bestioles dans la forêt. C’est ce qu’on appelle le farming. Forcément, avec des ressources disponibles sans fin, il est possible d’engranger beaucoup de pièces d’or ! Si cette pratique n’est pas toujours très appréciée au sein des communautés de joueurs, il n’empêche qu’elle existe et que rien ne l’interdit. Pire encore, certains sont prêts à acheter de l’or à utiliser dans le jeu avec du vrai argent. Et ça, c’est vraiment très mal vu, à la limite de la triche. Avec des personnages de plus en plus riches, prêts à dépenser sans compter pour une épée légendaire, inutile de préciser que les prix des items du jeu ont rapidement tendance à flamber. On le remarque à l’hôtel des ventes du jeu, haut lieu des transactions et des enchères, où les artefacts les plus rares se monnaient… à prix d’or.
La déflation : des prix qui baissent et une économie qui flanche
Dis Jamy, c’est quoi la déflation ?
Le mécanisme de la déflation est tout le contraire de l’inflation. La déflation se caractérise par une baisse continue des prix. Elle a plusieurs causes : une politique de monnaie forte, une surproduction des biens ou encore une diminution (une contraction) de l’activité.
Dans un premier temps, la déflation peut être bien perçue : les prix baissent, et les ménages ont le sentiment de gagner du pouvoir d’achat. Mais à moyen terme, la déflation a des conséquences : les entreprises perdent de l’argent, les salaires baissent et l’économie stagne ou sombre en récession
New World : une déflation provoquée par le manque de monnaie en circulation
Sorti en décembre 2021, le jeu vidéo New World est l’un des derniers arrivés dans l’univers des MMO. Mais le jeu développé par Amazon a rencontré un problème assez particulier quelques mois après son lancement, relève Numerama.fr (octobre 2021). La monnaie du jeu – des pièces d’or virtuelles, comme souvent dans les MMO – n’est pas émise en quantité suffisante pour soutenir l’économie du jeu. Il s’agit d’une décision des développeurs pour éviter l’accumulation de richesses (ça vous rappelle quelque chose ?). Les quêtes des joueurs sont moins lucratives : elles rapportent peu de pièces. Résultat, la valeur d’échange de ces pièces d’or virtuelles grimpe. Les pièces sont trop rares pour pouvoir être utilisées comme monnaie courante. L’insuffisance de liquidités provoque rapidement une déflation : là où des matériaux ou des biens pourraient être échangés contre plusieurs pièces d’or dans un autre jeu, ils valent moins d’une pièce d’or sur New World. Si bien qu’en attendant un nouvel équilibrage de la monnaie, les joueurs ont mis en place une économie de troc.
Une situation qui serait difficilement imaginable dans nos sociétés actuelles, mais qui est tout à fait plausible en cas de forte déflation dans une économie à l’arrêt…
Mieux comprendre l’économie… avec les jeux vidéo !
Pour mieux comprendre la logique des marchés, la façon dont les systèmes économiques fonctionnent ou encore le rôle des banques centrales, il y a les livres d’économie… et il y a aussi les jeux vidéo ! Dans les jeux vidéo multijoueurs, on observe en effet l’évolution d’économies virtuelles dont les rouages rappellent ceux des économies bien réelles. Alors, qu’est-ce que le jeu vidéo peut vous apprendre sur l’économie ? Attrapez votre manette, VeraCash vous emmène pour une leçon pas comme les autres !
Le jeu vidéo possède une dimension sociale… et cela nous apprend quelque chose sur l’économie
Le jeu vidéo, une pratique de plus en plus collective
7 Français sur 10 s’adonnent occasionnellement aux jeux vidéo, selon une étude du Syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs SELL (Médiamétrie, novembre 2021). Si vous jouez de temps à autre (ou régulièrement) à des jeux d’action, de simulation de combat ou de sport, si vous craquez parfois pour une petite partie de Candy Crush ou pour un retour nostalgique sur les Sims, vous n’êtes pas seul ! Il existe en fait de nombreux types de jeu vidéo. Certains intègrent la possibilité de jouer à plusieurs et de rejoindre des communautés de jeux en ligne. On parle alors de jeux multijoueurs, dans lesquels la dimension sociale du jeu est très importante. Toujours selon l’étude du SELL, 61 % des joueuses et joueurs considèrent que les jeux vidéo contribuent à créer du lien entre les personnes. « C’est une pratique de plus en plus collective », estime Médiamétrie.
Et c’est aussi le terrain de jeu de certains économistes !
Cette dimension sociale intéresse les économistes et les sociologues. Si vous n’avez jamais participé à un jeu multijoueur de type « role play », il faut imaginer un univers virtuel, où chaque joueur remplit un rôle (le « role play », donc). Dans des jeux comme World of Warcraft ou New World, certains sont marchands, d’autres sont combattants ou sorciers. D’autres univers permettent aux joueurs de s’échanger des objets dans le jeu, pour favoriser leur progression par exemple. Le point commun ? Dès lors qu’il existe une communauté de joueurs, un système économique se développe et évolue. Et si ce système économique n’est pas prévu par le studio, les communautés trouvent elles-mêmes des solutions pour le créer.
En 2011, le studio américain Valve Software (Half-Life, Portal, Counter Strike, Left 4 Dead, ou encore la plateforme Steam…) se pose d’ailleurs des questions existentielles liées à l’économie. Les développeurs américains réfléchissent à la mise en place d’une économie virtuelle sur Team Fortress 2. Et ils pensent aussi à la création d’une monnaie virtuelle pour les joueurs qui utilisent la plateforme Steam. Pour trouver des réponses, ils se tournent vers un économiste : un professeur d’université grec, qui exerce à Athènes et à l’université du Texas à Austin. Il s’agit de Yanis Varoufakis. Ce nom vous dit quelque chose ? C’est normal : Yanis Varoufakis a aussi été ministre des Finances en Grèce en 2015, pendant six mois, en pleine crise de la dette grecque. Mais c’est une autre histoire !
Bref, notre économiste grec est sollicité par Valve pour étudier la façon dont les systèmes économiques se mettent en place et évoluent dans un jeu vidéo. Dans une interview donnée au magazine Reason en 2014, il revient sur ces économies virtuelles interconnectées. “Un environnement de jeu multijoueur est un rêve devenu réalité pour un économiste”, estime-t-il. Selon lui, les jeux vidéo permettent aux économistes “de disposer d’un espace confiné, pour apprendre comment les gens se comportent au sein d’une économie”.
La création d’une monnaie, nerf de la guerre même dans les jeux vidéo
Dans de prochains articles, VeraCash se penchera dans le détail sur ces mécanismes qui se déclinent dans les jeux vidéo et qui permettent de mieux comprendre le fonctionnement de nos économies. Mais si vous avez déjà évolué dans un jeu vidéo multijoueur, voici ce que vous avez déjà appris sans même vous en rendre compte.
La création de mécanismes d’échanges : vendre son savoir-faire !
Selon Yanis Varoufakis, le développement de jeux multijoueurs a permis la création d’économies sociales. “Les personnes qui interagissent ont la possibilité […] d’échanger des choses précieuses, ou rares comme dirait un économiste, dans le monde virtuel”. Les joueurs, au cours d’une session de jeu, créent une valeur et la redistribuent. Par exemple, un joueur propose des services spécifiques (combat, protection…), ou il crée un objet recherché par d’autres joueurs. Ses services ou ses produits s’échangent contre d’autres objets (troc) ou contre une monnaie de jeu. C’est une situation qui s’observe encore aujourd’hui dans de nombreux jeux multijoueurs comme World Of Warcraft, Fallout 76, New World, Elder Scrolls Online… et la liste est longue. Peut-être que vous avez déjà appris à mettre en place un système de troc, ou à vendre un objet en fonction de sa rareté !
Mettre en place une monnaie d’échange
Le sujet de la monnaie d’échange revient régulièrement dans le fonctionnement même des économies virtuelles. Deux situations peuvent se produire.
- Les développeurs ont prévu une économie virtuelle et une monnaie d’échange. Cette monnaie est reconnue par tous les participants : les développeurs sont la banque centrale du jeu ! Elle devient une monnaie fiduciaire. Ce sont des pièces d’or sur New World ou World of Warcraft, des “caps” sur Fallout 76 par exemple.
- Les développeurs n’ont pas prévu de monnaie d’échange, ou la monnaie qu’ils ont imaginée n’est pas utilisée par les joueurs. Dans ce cas, les joueurs fixent eux-mêmes des valeurs d’échange, ou ont recours au troc. C’est ce qu’il s’est passé en octobre 2021 sur le jeu New World, développé par Amazon : les joueurs ne disposaient pas d’assez de liquidités en circulation. Ils ont refusé le système bancaire « traditionnel » fixé par le jeu pour palier le problème d’une monnaie non circulante !
Comprendre un système en évolution constante
L’un des aspects les plus marquants de ces économies virtuelles, c’est leur capacité à évoluer et à s’adapter très vite. Là où nos économies réelles mettent des années à se façonner, celles des jeux vidéo évoluent avec une grande rapidité.
En tenant compte de la complexité des systèmes d’échange, et de la solidité des systèmes économiques du jeu, « en une année, on obtient un processus évolutif qui reproduit ce qui prend habituellement des siècles », estime encore Yanis Varoufakis. L’économiste constate ainsi que les économies virtuelles vont même au-delà des modèles réels. Dans les économies virtuelles, “le comportement collectif converge vers l’équilibre puis le déséquilibre. Puis un autre équilibre vient et disparaît. Ce qui est fascinant, c’est la vitesse et l’irrégularité du comportement collectif autour d’un certain équilibre et la rapidité avec laquelle de nouveaux équilibres se forment.”
C’est le cas lorsque la communauté met en place un système de troc pour éviter la « banque centrale », ou lorsque les joueurs imaginent une monnaie parallèle pour éviter l’inflation ou la déflation. Et dans de prochains articles, nous vous expliquerons ce qu’il se passe quand les joueurs tentent de renverser l’économie, quand l’économie virtuelle est en inflation ou encore qui sont les « marchands d’or » dans les économies virtuelles !
Casa de Papel : la leçon sur la monnaie du Professeur
Plus que quelques jours d’attente pour découvrir la partie 1 de la saison 5 de la série Casa de Papel, qui sera disponible sur Netflix le vendredi 3 septembre 2021 à 9h01. La série espagnole se base sur le fonctionnement de la finance institutionnelle. Après s’être attaquée aux « injections de liquidités » de la BCE, la bande de braqueurs en combinaison rouge et au masque de Dali veut déstabiliser le système en volant l’or de la Banque d’Espagne. Une série à montrer dans les cours d’économie ?
De la Maison Royale de la Monnaie à la Banque d’Espagne comme décors
Le voleur au grand cœur est un personnage bien connu de la littérature, du théâtre ou du cinéma. Il y a Robin des Bois né sous forme de poèmes au XIIème siècle mais aussi Arsène Lupin, le gentleman cambrioleur, en passant par la marionnette Guignol.
Ici, le Professeur, le cerveau d’une bande de braqueurs cachant leur identité derrière des noms de grandes villes, s’empare de l’Imprimerie de la Monnaie Royale d’Espagne afin d’imprimer des milliards d’euros, lui permettant ainsi de réussir son coup sans voler l’argent du peuple. De cette manière, cet acte, pourtant criminel, paraît louable, puisque le personnage est perçu comme un Robin des Bois 2.0, version “Anonymous”. Après un coup presque réussi, les braqueurs reviennent quelques années plus tard pour s’en prendre à la Banque d’Espagne, afin de dérober les 90 tonnes de lingots d’or qui se trouvent dans les coffres.
L’injection de liquidités sorties de nulle part !
Dans une scène célèbre en tête à tête avec Raquel (la responsable de la police NDLR), il assène : « la BCE en 2011 a émis 171 milliards d’euros, 185 milliards en 2012, 145 milliards en 2013. » Il note que la Banque Centrale Européenne parlait « d’injection de liquidités » et non pas de vol. Pour lui, ces liquidités sont « sorties de nulle part ».
Pire à ses yeux, ces centaines de milliards d’euros ont été donnés aux banques qui ne les ont pas transférés dans l’économie réelle sous forme de prêts aux particuliers ou aux entreprises. Le Professeur et sa bande de braqueurs (Tokyo, Berlin, etc.) souhaitent eux injecter directement les sommes qu’ils dérobent dans l’économie réelle. Ils décident donc d’imprimer plusieurs milliards d’euros.
Fiction : Casa de Papel, Réalité : Quantitative Easing
L’argument est en grande partie vrai. À part que la BCE n’a pas fait tourner la planche à billets physiquement. Ce n’est plus nécessaire dans une société informatisée, de plus en plus cashless.
Après la crise de 2008, la Banque Centrale Européenne (comme la FED) a lancé une vaste campagne d’achat d’obligations d’État (de la dette d’État, donc) auprès des banques. On appelle cela le Quantitative Easing ou QE. Cela permet d’échanger des titres contre une ligne en euros. Les banques se sont donc retrouvées avec de nombreuses lignes en euros dans leurs bilans. Évidemment il ne s’agissait pas de billets ou de pièces sonnantes et trébuchantes et tout cet argent sorti de nulle part n’a, bien sûr, pas été prêté aux entreprises ou aux particuliers : autrement nos salaires n’auraient pas stagné depuis 10 ans, et les dettes publique et privée n’auraient pas autant grossi.
Mais alors, où est allé cet argent ? En réalité, une partie a servi aux banques à spéculer sur le marché boursier (ce qui explique pourquoi les sociétés en bourse versent chaque année des dividendes toujours plus titanesques que la fois précédente), alors qu’une autre partie a été réinvestie dans la banque centrale… Oui, vous avez bien lu. Cette monnaie, provenant des banques centrales pour aider les banques commerciales, retourne finalement dans les banques centrales, dans la seule optique de générer des intérêts.
Et histoire de dédramatiser encore un peu l’acte du Professeur et de sa bande, ceux-ci prévoient d’imprimer “seulement” 2,4 milliards d’euros… Savez-vous combien a été imprimé par la BCE depuis la crise financière ? Vous voulez un indice ? Bon allez, on vous divulgue la réponse : trois billions d’euros (un trois suivi de 12 zéros, pour donner un ordre de grandeur), soit 2000 fois la somme convoitée des brigands.
De plus, les 2 milliards d’euros volés n’auraient eu aucun impact sur l’économie espagnole ! Lorsque les banques impriment de la monnaie, elles sont obligées de le déclarer officiellement. L’euro étant régulé par la BCE, tous les pays de la zone euro suivent les mêmes politiques monétaires, et cela comprend l’Espagne. Grossièrement parlant, plus de monnaie équivaut à plus d’inflation. Prenons l’exemple de la République de Weimar : à la sortie de la première guerre mondiale, l’Allemagne, qui rencontrait déjà de gros problèmes économiques après avoir vendu un trop grand nombre de bons du trésor à long terme à la population (afin de financer l’effort de guerre), s’est vue obligée de payer 132 milliards de marks-or aux Alliés en dédommagement. L’Allemagne a ainsi fait tourner la planche à billets frénétiquement, mais vu que le chômage avait déjà atteint des taux records, et que la productivité n’augmentait pas, tout ce que cela a réussi à créer c’est un pays en hyperinflation, incapable de rembourser sa dette imposée, à part en monnaie papier dévaluée. Quand une économie produit toujours le même volume de biens mais qu’elle imprime de la monnaie, l’inflation apparaît : les prix augmentent puisque les réserves de monnaie sont supérieures aux réserves de biens.
Si on en revient à la Casa de Papel : non seulement 2 milliards d’euros ne suffisent pas à avoir un réel impact sur l’économie, mais puisqu’il faut faire une déclaration officielle d’impression de monnaie, dans une logique de stratégie politique monétaire, pour que l’inflation existe vraiment, il y a de fortes chances que nos brigands en combinaison rouge ne provoquent aucune instabilité économique. En revanche, la BCE, elle, use et abuse de politiques monétaires inefficaces qui ont de terribles conséquences sur notre quotidien.
Dans la saison 3 : l’or de l’Espagne pour déstabiliser le système
Comme la sortie de ce nouvel opus de la Casa de Papel est assez récente, on ne va pas dévoiler trop de détails mais il faut savoir que le Professeur a besoin de « déstabiliser le système ». Il commence d’abord par déverser depuis le ciel de Madrid 140 millions de billets de 50 et 100 euros. Ensuite, il a la volonté de voler 90 tonnes d’or dans les coffres de la Banque Centrale Espagnole.
L’argument est là aussi assez valable même si on notera quand même que l’Espagne détient 280 tonnes d’or dans ses réserves et qu’il n’est absolument pas certain que ces barres de 12 kg d’or soient effectivement stockées dans le pays. Il est fréquent que des pays hébergent les réserves des autres (au Royaume-Uni par exemple).
En revanche, le sujet est bien évidemment d’actualité puisque de nombreux pays ont décidé ces derniers mois de renforcer leurs réserves en or. On estime qu’il s’agit souvent d’une volonté d’être moins dépendant au dollar. C’est le cas pour la Chine, la Russie mais aussi la Turquie. La Pologne qui a doublé ses réserves en un an souhaite, elle, diversifier ses réserves monétaires en cas de crise.
Et au-delà même des États, il est évident que l’or connaît un regain de popularité auprès des particuliers aussi. Dans un contexte géopolitique et économique aussi menaçant que ce que nous vivons actuellement, les individus se tournent vers des instruments qui ne rapportent rien, mais surtout, qui ne perdent rien : c’est ce qu’on appelle des valeurs refuges, et l’or en est une. Et c’est justement parce que nous nous trouvons dans un monde post-2008 assoiffé de croissance alors que nos monnaies ne valent plus rien que VeraCash vous propose une solution stable et sécurisée : un compte, une carte prépayée et une monnaie hors banque adossés à l’or.
Le professeur de la Casa de Papel remet en cause le principe de la monnaie fiat !
Dans les premières saisons de la Casa de Papel, le maître à penser des braqueurs déchire un billet de 50 euros en criant : ce n’est que du papier, que du papier ! C’est là qu’entre en compte le concept de la monnaie-fiat. Sa valeur intrinsèque ne vaut pas grand-chose (le coût du papier, la production), et elle est en effet imposée par l’autorité. L’Etat, l’Europe pour l’Euro, donne à un billet de 50 euros sa fonction : permettre son échange contre un bien ou un service dont la valeur est 50 euros. Et il en offre, en plus la garantie. Pour cela, il faut que l’utilisateur ait une entière confiance dans la stabilité de l’Institution. Quoi qu’il arrive, mes 50 euros inscrits sur ce bout de papier vaudront 50 euros. Que se passe-t-il si l’Institution financière ou l’État vacille ? Le pari du Professeur est que la Banque Royale d’Espagne ne prendra pas le risque…
Qui a dit que regarder les séries ne formait pas la jeunesse ?