Dans une économie où les monnaies fiduciaires règnent sans partage, l’or et l’argent n’ont guère plus voix au chapitre que dans les salles de marché et les coffres privés. Mais le 10 juin 2025, une décision passée presque inaperçue au niveau international pourrait bien changer la donne : le Texas a voté une loi conférant à ces deux métaux précieux le statut de monnaie légale à partir de mai 2027.
L’essentiel
- Le Texas a voté une loi donnant cours légal à l’or et à l’argent, avec une infrastructure de paiement adossée à ses réserves physiques.
- Cette démarche reflète une volonté de souveraineté monétaire et une méfiance croissante envers le dollar et la Réserve fédérale.
- D’autres États américains ont déjà reconnu les métaux précieux comme monnaie, mais sans aller aussi loin que le Texas.
- Cette initiative marque un tournant discret vers un pluralisme monétaire, où l’or retrouve un usage économique concret.
Que dit réellement la loi HB 1056 ?
L’idée du législateur texan est de faire de l’or et de l’argent deux monnaies légales à part entière, aux côtés du dollar. Contrairement à d’autres projets plus symboliques, elle prévoit une véritable infrastructure opérationnelle.
Concrètement, les habitants du Texas pourront :
- Ouvrir des comptes libellés en or ou en argent,
- Utiliser ces comptes pour payer via carte ou application mobile,
- Convertir leurs avoirs métalliques en dollars à la volée ou régler directement en métal,
- Accéder à une plateforme publique adossée au Texas Bullion Depository, créée en 2018 pour stocker physiquement les réserves métalliques de l’État.
Le texte s’inscrit dans une volonté claire de réintroduire les métaux précieux dans la sphère économique quotidienne. Attention, il ne s’agit pas d’un retour à l’étalon-or, mais bien de créer une voie parallèle, numérique, adossée à l’or réel.
Cette possibilité n’est pas offerte par hasard : le Texas Bullion Depository fonctionne déjà comme une alternative à Fort Knox, pouvant contenir plus de 370 tonnes d’or. La loi prévoit désormais d’y adosser un système de paiement complet, ce qui représente une innovation monétaire aussi rare que stratégique.
Pourquoi le Texas fait-il ce choix ?
La démarche texane ne tombe pas du ciel. Elle s’inscrit dans une double tradition : la souveraineté politique d’un État souvent frondeur, et la méfiance historique vis-à-vis de la planche à billets.
Le Texas a déjà, dans le passé, exprimé sa volonté de s’émanciper partiellement de l’autorité fédérale, y compris sur des sujets aussi sensibles que la fiscalité, l’énergie ou la régulation des cryptomonnaies. Sa posture est celle d’un État-pionnier, adepte du « Do It Yourself » (faites-le vous-mêmes), un modèle très américain qui prend ici une tournure monétaire inédite.
En légalisant l’or et l’argent comme monnaies à part entière, l’État envoie un ainsi signal politique fort : il ne souhaite plus voir ses finances et celles de ses citoyens entièrement dépendantes d’une monnaie dont la valeur est constamment diluée. Le dollar reste bien sûr dominant, mais il n’est plus exclusif.
Il y a aussi, en toile de fond, un discours implicite de défiance :
- Défiance vis-à-vis de la Réserve fédérale, dont les politiques monétaires expansionnistes depuis 2008 ont entraîné une explosion de la masse monétaire.
- Défiance vis-à-vis de l’inflation, redevenue un sujet central depuis la pandémie de 2020 et la guerre en Ukraine.
- Défiance enfin, vis-à-vis de la fragilité du système financier mondialisé, dans lequel une crise bancaire ou une faillite souveraine peut se répercuter en cascade.
À bien des égards, cette loi est donc une tentative de rematérialisation de la valeur. Elle propose une alternative tangible, certes encore embryonnaire, à l’univers virtuel des monnaies fiduciaires et des devises numériques.
Or, argent, dollar : cohabitation ou concurrence ?
Il serait tentant de voir dans la loi HB 1056 une forme de rébellion monétaire. Mais en réalité, le texte ne cherche pas à supplanter le dollar. Il propose plutôt une coexistence. L’or et l’argent ne deviennent pas les seules monnaies légales au Texas ; ils s’ajoutent à l’éventail existant, en offrant un mode de paiement parallèle, potentiellement plus résilient car adossé à des actifs tangibles.
Cependant, cette coexistence n’est pas neutre : elle remet en cause la toute-puissance des monnaies fiduciaires. L’or et l’argent, une fois réintégrés dans le circuit des échanges, imposent leur propre rythme, une stabilité, une rareté et surtout une résistance aux manipulations monétaires. En permettant à ses citoyens de régler leurs achats en grammes d’or stockés à quelques kilomètres de chez eux, le Texas transforme un actif dormant en instrument de circulation.
Le dollar est liquide, c’est vrai, il est universel, mais aussi vulnérable. L’or est lent, mais robuste. Entre les deux, le système texan propose un arbitrage : confier au métal une fonction économique sans le contraindre dans un cadre étalon, ni le reléguer au simple rang de réserve.
Des implications économiques aux résonances profondes
À première vue, le poids économique de cette décision reste limité. Le Texas, aussi puissant soit-il, n’est pas un État souverain. La Réserve fédérale américaine (la Fed) continue de dicter les taux et la politique monétaire dictée par Washington continue de s’appliquer à tout le territoire des États-Unis, Texas compris. Mais l’impact symbolique n’en est pas moins immense.
Car la loi HB 1056 relance le débat sur la légitimité des monnaies modernes. Depuis l’abandon de l’étalon-or (dont le dollar s’est affranchi définitivement en 1971), toutes les monnaies du monde reposent sur la seule confiance accordée à leurs émetteurs. Or cette confiance a été érodée par des décennies de crises financières, de plans de relance massifs, de dettes publiques croissantes.
En autorisant le paiement en or et en argent, le Texas ne rompt pas avec le système. Il le complète par un mécanisme alternatif, où la valeur ne dépend pas d’un engagement politique mais d’un stock réel. L’idée n’est pas de revenir au passé, mais d’offrir une voie de contournement.
Une validation indirecte du modèle Veracash
Forcément, il n’aura échappé à aucun lecteur du présent article que la loi texane ressemble énormément au modèle promu depuis plus de dix ans par Veracash :
- Des comptes libellés en grammes d’or ou d’argent,
- Une carte de paiement adossée à ces comptes,
- Une infrastructure de stockage sécurisée avec contrepartie réelle.
Difficile en effet de ne pas s’apercevoir que la loi HB 1056 reprend exactement cette architecture, mais à l’échelle d’un État américain. Les clients texans pourront bientôt effectuer un achat en ligne ou payer leur restaurant en débitant leur solde métallique, exprimé en grammes. Comme le font déjà les clients Veracash depuis plus d’une décennie…
On ne peut que se féliciter de voir ainsi une politique publique se rapprocher de la stratégie d’une entreprise privée, laquelle reste tout de même beaucoup plus consciente des réalités de terrain. Certes, il est peu probable que le gouvernement du Texas ait objectivement pris pour modèle le fonctionnement de Veracash, mais cela montre en tout cas que les idées les plus disruptives viennent souvent de ceux qui pensent autrement à l’échelle “locale”, et qu’elles peuvent finir par infuser jusqu’aux plus hautes sphères de la société.
Le Texas, un cas à part… mais pas isolé
Si l’initiative texane attire l’attention, ce n’est pas parce qu’elle est totalement inédite. Depuis plus d’une décennie, plusieurs États américains ont amorcé un retour partiel aux métaux précieux comme instruments monétaires. Ainsi, des États comme l’Utah, l’Arizona, le Kansas, l’Oklahoma, la Caroline du Sud, le Tennessee, l’Indiana, la Virginie-Occidentale, la Louisiane, le Wyoming ou encore l’Arkansas, ont tous adopté des lois reconnaissant à l’or (et parfois à l’argent) la qualité de monnaie ayant cours légal, souvent en parallèle d’exemptions fiscales, ou de mesures facilitant son usage comme réserve de valeur.
Mais le Texas va plus loin. Il est, pour l’heure, le seul à prévoir une infrastructure numérique d’État, adossée à son Texas Bullion Depository, permettant l’utilisation de comptes en or et argent dans les paiements du quotidien : en ligne, par carte, ou via une application.
Ce saut technologique distingue Austin des autres capitales régionales. Il transforme une reconnaissance symbolique en outil monétaire opérationnel, ouvrant la voie à un usage transactionnel structuré, potentiellement scalable.
Toutefois, il serait prématuré d’en déduire que les États-Unis se dirigent vers une fragmentation monétaire. La Réserve fédérale (FED) conservera probablement encore longtemps le monopole du système de paiement national. Mais des poches d’expérimentation monétaire émergent, dessinant peu à peu un écosystème parallèle, encore discret, mais juridiquement encadré. Dans ce système, les métaux précieux retrouvent une légitimité économique, loin de leur statut de simple relique patrimoniale.
Une transformation discrète mais stratégique
Ce qui est sûr, c’est que les initiatives comme celle du Texas traduisent une tendance de fond dans l’économie moderne, qui semble réhabiliter progressivement la notion de valeur intrinsèque de la richesse. En effet, alors que la plupart des banques centrales multiplient les liquidités et opèrent sur des leviers abstraits, l’État texan comme quelques autres construisent, pas à pas, un modèle parallèle basé sur la tangibilité, la stabilité et la confiance matérielle.
Alors certes, on pourra juger cette nouvelle initiative comme étant anecdotique. On pourra aussi y voir une manœuvre politique. Mais on ne peut ignorer ce qu’elle révèle d’une tendance de fond : la recherche de solutions monétaires plus résilientes, plus enracinées, et même plus décentralisées. Cela rejoint ainsi les préoccupations de nombreux épargnants, souvent investisseurs prudents, qui cherchent un meilleur contrôle sur leur patrimoine.
Vers un pluralisme monétaire ?
Aujourd’hui, le système monétaire international repose sur un postulat simple : la monnaie est un monopole d’État, garanti par la souveraineté et encadré par des institutions centrales. Sauf que la confiance dans ce modèle s’est lentement fissurée sous le poids des crises, des bulles et de l’endettement permanent.
Dans ce contexte, le Texas ne propose pas d’abolir le dollar, ni d’imposer un retour forcé à l’étalon-or. Il propose simplement un complément, une alternative monétaire où les métaux précieux retrouvent leur usage économique, sans pour autant supplanter la monnaie moderne.
Pour les investisseurs attachés à la pérennité, pour les épargnants prudents, pour les entreprises comme Veracash qui croient à la stabilité des actifs tangibles, cette loi texane semble indiquer que le monde ne se dirige pas nécessairement vers une monnaie unique, mais plutôt vers un univers d’options, où chacun pourra choisir le support de valeur qu’il estime le plus crédible, sans se couper du reste de l’économie.
Auteur et consultant depuis plus de vingt ans dans le domaine de la communication stratégique, il a plusieurs fois travaillé pour le compte d'entreprises financières dont il décrypte aujourd'hui les coulisses et les mécanismes économiques de base à l'intention du plus grand nombre.