Aux États-Unis, les alertes se multiplient sur les difficultés des banques régionales. Le patron de la FED lui-même s’est inquiété de la fragilité de certaines banques face à la crise immobilière. Un an seulement après la faillite de 3 banques, et plus de 15 ans après la crise des subprimes, une nouvelle crise bancaire s’annonce-t-elle ?

Crise immobilière : les banques régionales américaines en difficulté

Au début du mois de mars 2024, une banque régionale de New-York (NYCB) annonce des pertes importantes et son action dévisse immédiatement. Conséquence directe de cette déroute en bourse : la banque aura sans doute de grandes difficultés à lever des fonds si elle en a besoin.

La crise immobilière à l’origine d’une nouvelle crise bancaire ?

Aux États-Unis, le financement de l’immobilier commercial est porté à 80 % par les banques régionales.
Ces banques ont proposé à leurs clients de placer leur épargne et leur patrimoine dans ce type d’investissement quand les obligations d’État ne rapportaient rien. Pendant une longue période où les taux étaient proches de 0, il était en effet préférable d’acheter de la « pierre » à crédit pour récupérer des loyers de bureaux ou de commerces. La rentabilité était meilleure et le placement était réputé tout aussi sûr. Et pendant des années, cela a très bien fonctionné.

Les taux d’intérêt en hausse : la martingale de l’immobilier commercial déraille

Avec la hausse des taux d’intérêt, les investisseurs américains se retrouvent confrontés à deux phénomènes.

  • Le premier est directement lié aux taux d’intérêt puisque la plupart des prêts outre-Atlantique sont signés avec des taux variables. L’emprunteur, avec des taux qui passent de 0,5 à 7 % en quelques mois, doit faire face à des mensualités en forte augmentation.
  • Le second est lié au marché de l’immobilier de bureaux ou commercial. Le COVID et le télétravail sont passés par là : les transactions sont en panne, mais les taux d’occupation (location) sont aussi en baisse.

Pour de nombreux américains, c’est une partie de leur retraite qui se retrouve ainsi dévaluée. Du côté des banques qui « portent » ce risque, les défaillances des emprunteurs se multiplient et les pertes augmentent.

La FED s’inquiète du phénomène et craint une nouvelle crise bancaire

Jerome Powell, le patron de la FED, a déclaré devant la commission bancaire du Sénat qu’il existait un réel risque de faillites bancaires de « petites » banques régionales. Il parlait du phénomène de pertes lié au coup d’arrêt sur l’immobilier commercial. Mais il s’est empressé de tenter de rassurer les élus en leur affirmant que les « grandes » banques n’étaient pas concernées.

Une loi pour forcer les banques à se refinancer auprès de la FED

Pourtant, à la mi-janvier 2024, un rapport de Bloomberg affirmait que le régulateur américain était en train de préparer une loi. Celle-ci doit forcer les banques à utiliser l’argent disponible (the Federal Reserve’s discount window) proposé par la Banque Fédérale… pour éviter une nouvelle crise bancaire.

Faire appel à la FED : le pire signal pour une banque

Pourquoi une loi ? Parce qu’aux États-Unis, faire appel aux fonds de la Réserve Fédéral, c’est révéler ses difficultés et donc risquer un bank run. Si une loi impose à tout le monde cette utilisation, l’aspect anxiogène devrait disparaitre.

Pour certains observateurs, l’usage de la loi par le régulateur est un signal supplémentaire qu’une crise bancaire est proche.

Nouveau call-to-action

Il y a un an, 3 banques font faillite…

Si les Américains sont si attentifs au devenir de leurs banques, c’est d’abord parce qu’ils y placent souvent leur épargne pour leur retraite. L’enjeu est très important, beaucoup plus qu’en France où la retraite est en grande partie garantie par l’État.

Crise bancaire express en mars 2023

Il y a un an exactement, 3 banques ont fait faillite en quelques jours ! L’ensemble des dépôts des clients a été menacé. Là aussi, le régulateur fédéral a décidé de garantir l’ensemble des comptes des clients, bien au-delà du montant de notre « garantie des dépôts » en France. Celui-ci se limite à 100 000 euros par compte et par établissement. En revanche, la Silvergate, la Silicon Valey Bank et la Signature Bank ont été sacrifiées, liquidées.

La hausse des taux d’intérêt toujours responsable

La raison de ces faillites en cascade en mars 2023 aux USA (mais aussi en Suisse avec la chute du Crédit Suisse), c’est une nouvelle fois la hausse des taux d’intérêt. Ces banques avaient de manière très raisonnable placé les liquidités de leurs riches clients en Bons du Trésor, des obligations d’État. Un placement réputé très sûr et fiable, puisque le créancier est l’État américain noté AAA ou AA+ au minimum. Mais avec la hausse des taux d’intérêt, est survenu un phénomène particulier : les obligations se sont concurrencées entre elles. Les nouvelles obligations étaient plus rémunératrices que les anciennes. Évidemment, on préfère toujours un rendement à 5 ou 6 % qu’à moins de 1 % ! Plus personne ne souhaitait acheter les « vieilles » obligations qui ont été fortement dévalorisées. Les fonds propres des établissements bancaires ont fondu et les banques ont fait faillite.

Écoutez ou réécoutez le podcast "Valeur Refuge" consacré à la crise bancaire

Mathieu Devaux-Sabarros reçoit Jean-François Faure, président-fondateur du groupe AuCOFFRE pour décortiquer les raisons de la tension dans le secteur bancaire.

La crise des subprimes, mère de toutes les crises bancaires ?

La crise des subprimes en 2008 est avant tout une crise financière. Même si des banques ont fait faillite – et pas des moindres – c’est la finance qui a été touchée en premier.

Une crise immobilière ou une crise de la finance ?

Là aussi, l’immobilier était en première ligne, mais celui du particulier. En effet, les subprimes sont des prêts accordés malgré des faibles revenus, en dehors des règles de financement du particulier. Et pour les obtenir, les créances étaient financiarisées. On avait donc des crédits ou des morceaux de crédit qui étaient camouflés dans des titres financiers. Tout allait bien, jusqu’au moment où le nombre de défauts de paiement se multipliait sur les crédits immobiliers présents dans le titre. L’actif devenait « pourri », plus personne n’en voulait.

Des mesures de régulation des banques et des prêts à taux 0

Après les subprimes, les différents régulateurs sur la planète ont mis en place des outils pour éviter que les banques ne se retrouvent en difficulté. Il s’agit de renforcer les fonds propres des banques, de séparer les différentes activités et de réduire les risques sur les placements. Mais pour relancer la machine, les banquiers centraux limitent aussi les taux d’intérêt jusqu’à se retrouver au plus près du taux 0. Cette dernière mesure est sans doute responsable en partie, quelques années plus tard, des crises bancaires de 2023 et 2024.

Ce qu’il faut retenir

  • La nouvelle crise bancaire de 2024 touche les banques régionales américaines qui portent le risque du crédit sur l’immobilier commercial.
  • En 2023, les banques en faillite ont été victimes de la concurrence entre les anciennes et nouvelles obligations. En cause : la hausse des taux d’intérêt.
  • La crise des subprimes, et surtout la politique de taux faibles qui s’en est suivie, est à l’origine des crises bancaires actuelles.