L’économiste et essayiste Marc Touati présentait dans son ouvrage « Reset » publié en août 2020, des solutions pour réussir la sortie de crise COVID. Deux ans plus tard, il constate devant l’absence de décisions que « ce qui devait arriver arriva ». Il craint maintenant des mesures lourdes pour les entreprises et les épargnants afin d’éviter une crise économique profonde. Interview.


L’exercice est bien évidemment difficile. Rédiger un livre quelques mois après une crise sanitaire sans précédent et proposer des solutions pour « redémarrer » (Reset). Mais on peut dire que Marc Touati a plutôt vu juste : le piège mortel des banques centrales qui les « empêchent » de traiter l’inflation avec une rapide et forte remontée des taux, le recours à la planche à billets ; les liaisons dangereuses des gouvernements avec la dépense publique ; la Chine, usine du monde en difficulté.

VRC : Vous proposez dans votre livre des solutions pour réussir le « reset », le redémarrage après la crise, avez-vous été entendu ?

Marc TOUATI : Malheureusement, Bruno Le Maire, qui m’a pourtant invité à présenter ma vision et mes solutions (Ndr. comme il l’a fait avec plusieurs économistes) n’a pas suivi mes conseils. On avait besoin de ce que j’appelle une thérapie de choc bienveillante. Comme je l’expliquais dès août 2020 dans mon ouvrage, on doit absolument éviter la croissance molle. L’année 2021 a laissé penser que la reprise était là et très puissante. En fait, on n’a même pas rattrapé la perte de richesse de 2020 année COVID. La France s’est appauvrie de 1,6% par rapport à 2019. Et on le voit depuis le début de 2022, la croissance est proche de zéro.

On a accepté -8% en 2020 et + 7% en 2021. Christine Lagarde à la tête de la BCE n’a cessé de dire que l’inflation n’était pas durable, qu’il n’y avait pas de risque de stagflation. Jerome Powell à la tête du Trésor américain a fini par reconnaître son erreur à l’automne 2021. Il aurait fallu remonter les taux d’intérêt très rapidement en 2021 mais aussi stopper immédiatement le recours à la planche à billets.

"La stratégie du « stop and go » très dangereuse"

Marc Touati, Economiste et président d'ACDEFI


VRC : On a quand même connu dans la décennie 80 une période de très forte inflation avec le développement d’un chômage de masse. Les différents gouvernements ont pu financer la relance. Donc on devrait pouvoir faire la même chose ?

Marc TOUATI : Sauf qu’en 1981, la dette publique de la France représentait seulement 20% du PIB. Après le COVID et son « argent magique », on est à 120% de la dette. Il n’y a plus de marge de manœuvre. Pour moi, la situation est bien plus grave qu’en 1981. Aujourd’hui, on est dans la fuite en avant, il faut absolument du parler vrai, il faut arrêter de nous déresponsabiliser.

VRC : Vous proposez des solutions sous forme de thérapie de choc bienveillante donc…

Marc TOUATI : Oui, il faut tout d’abord réduire fortement les dépenses publiques et arrêter la planche à billets. La réduction de la dette est une priorité. Pour relancer l’économie, il faut aussi réinjecter du cash pour booster la consommation. Mais quand le ministre de l’économie demande aux « patrons » d’augmenter les salaires, c’est juste jouer avec cette vieille culture de lutte des classes. Si les dirigeants pouvaient augmenter les salaires, ils le feraient. Le gouvernement a des moyens d’augmenter le « net » touché par les salariés. Il pourrait supprimer la CSG, impôt créé en 1991, du vrai temporaire qui dure. Évidemment, on aurait aussi la possibilité de diminuer les cotisations sociales.

marc touati, le grand reset, mercredi 29 juin

Marc Touati, invité de VeraCash®

L'économiste répondra aux questions de Benjamin Rosoor. Quelle solution pour réduire notre dette ? Comment investir ? Avec quelle marge de manœuvre ?

Marc Touati nous offre son éclairage mercredi 29 Juin sur la chaîne YouTube de VeraCash® !

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VRC : Visiblement, l’administration de la thérapie de choc du docteur Touati n’est pas prévue. Et pourtant, il faudra bien rembourser la dette COVID ?

Marc TOUATI : Effectivement comme je l’écris dans mon livre Reset, l’annulation de la dette semble faire l’unanimité. Mais c’est impossible à faire. Dans les statuts de la BCE il est écrit que l’annulation de la dette est interdite. Et même si on arrivait à changer cette règle, on peut imaginer qu’il serait très difficile ensuite d’emprunter à nouveau. Bref, l’annulation de la dette c’est un fusil à un coup !

VRC : Et donc, quelles solutions nous reste-t-il ? 

Marc TOUATI : L’arme utilisée par les gouvernements depuis toujours : la levée de l’impôt. Sauf que nous sommes aujourd’hui un pays où le taux d’imposition est très élevé, numéro 1 mondial de la pression fiscale. Alors un impôt supplémentaire sur les entreprises risque de casser encore plus la croissance.

Il reste donc au gouvernement une solution, ponctionner l’épargne des Français. Les politiques vont évidemment lorgner sur la sur-épargne COVID (Ndr. 200 milliards d’euros). Par exemple, on peut imaginer un impôt sur l’épargne individuelle au-delà de 100 000 euros. Il est assez simple d’intervenir sur les livrets d’épargne, comptes épargne des particuliers. Il suffit de demander aux banques de prélever automatiquement la « taxe » comme pour la CSG-CRDS sur les placements financiers. Mon conseil est vraiment d’éviter d’avoir plus de 100 000 euros sur un compte.

VRC : ça semble quand même un peu cavalier comme méthode de fiscalité !

Marc TOUATI : Vous savez, quand vous voyez comment les États et les banques centrales ont décidé de manière unilatérale de geler les avoirs russes, de les couper du système bancaire (Ndr. Y compris les expatriés qui n’avaient plus d’accès à leurs comptes en Russie). S’ils l’ont fait pour les Russes, ils pourront le faire pour les autres.

A lire : 

Reset, quel nouveau monde pour demain ? par Marc Touati. 206 pages. Ed. Bookelis. 17euros.


Marc Touati est né en août 1970. Il est Président Fondateur du cabinet ACDEFI.

À noter :

Les comptes VeraCash® ne sont pas associés au système bancaire et – de fait – les prélèvements directs de type CSG-CRDS ne peuvent s’appliquer.