Longtemps relégué derrière l’or, l’argent métal connaît aujourd’hui un regain d’intérêt impressionnant. À la croisée des chemins entre actif financier, ressource industrielle et symbole historique, il attire de nouveau les regards des investisseurs et des États. Mais l’argent pourrait-il redevenir une monnaie à part entière ?
C’est toute la question que pose la tendance actuelle : celle d’une remonétisation progressive de l’argent métal.
L’essentiel
- L’argent, longtemps relégué derrière l’or, retrouve un intérêt stratégique et économique, notamment grâce à ses usages industriels et technologiques.
- L’Inde innove en autorisant l’utilisation des bijoux en argent comme garantie bancaire, rendant l’argent « improductif » à nouveau productif pour l’économie.
- Les États-Unis et d’autres acteurs internationaux reconnaissent l’argent comme un métal stratégique, soutenant sa valorisation et son rôle dans la sécurité nationale et énergétique.
Quand l’argent faisait tourner l’économie
Bien avant l’or, c’est l’argent qui dominait la scène monétaire européenne. Dès le Moyen Âge, les royaumes d’Europe frappent des deniers, sols et écus d’argent. La richesse d’un pays se mesure alors en tonnes de métal blanc.
En France, le bimétallisme, fondé sur l’or et l’argent, est un système monétaire qui va durer jusqu’à la fin du XIXᵉ siècle. L’Union latine, créée en 1865, tente d’harmoniser la valeur des monnaies européennes autour d’une parité fixe entre les deux métaux. Mais les découvertes massives de gisements d’argent vont faire chuter son prix. A l’époque c’est bien le volume de métal extrait qui fixe le prix. Le bimétallisme est mort, vive l’étalon-or !
L’argent perd alors son statut de monnaie de réserve. En France, la démonétisation complète date de la fin des années 1960, lorsque les dernières 5 francs semeuses en argent métal sont frappées. La pièce de 5 francs est ensuite frappée sur du nickel.
Vers une remonétisation ? L’exemple surprenant de l’Inde
L’information est sortie en pleine saison des mariages. Ce moment où les Indiens offrent des « tonnes » de bijoux en argent et en or.
L’argent métal comme garantie bancaire
À partir d’avril 2026, New Delhi autorisera les bijoux en argent métal à servir de garantie pour les prêts bancaires et non bancaires, au même titre que l’or.
Une mesure inédite, qui établit un ratio de or/argent dans les mécanismes de crédit. Et il est plutôt très favorable à l’argent puisqu’il s’agit d’un ratio de 10 kg d’argent pour 1 kilo d’or. Autrement dit, 16 000 euros en argent assurent la même garantie que 114 000 euros en or. En valeur, le ratio réel or/argent est de 1 once d’or pour 80 onces d’argent en novembre 2025.
Redonner à l’argent métal (et à l’or) son rôle de moteur de l’économie
Les autorités indiennes ont une idée derrière la tête avec cette annonce. Elles veulent que l’argent métal stocké dans les foyers sous forme de bijoux soit réinjecté dans l’économie. La nouvelle règle prévoit que des prêts peuvent être accordés sous couvert d’un dépôt de garantie de 10 kg d’argent. Pour reprendre un terme à la mode en France : l’argent métal « improductif » devient productif !
Bien qu’il ne s’agisse pas encore d’une remonétisation au sens strict (l’argent n’est pas utilisé pour les paiements ni détenu par la banque centrale), ce signal est fort : il montre que les métaux précieux peuvent de nouveau s’intégrer à la sphère bancaire.
Les États-Unis placent aussi l’argent sous les projecteurs
Les États-Unis ont amorcé un mouvement différent mais révélateur : l’intégration de l’argent métal à la liste des métaux stratégiques.
Ce classement, actualisé par l’administration américaine, regroupe les ressources jugées essentielles à la sécurité nationale et à la transition énergétique.
Pourquoi l’argent ?
L’argent est très utilisé par les « marchands de pelles » de l’IA. Ils en ont besoin pour ses excellentes performances en conductivité, bien meilleures que celles du cuivre. On va en trouver dans toute la connectique des centres d’hébergement de données mais aussi à l’intérieur des serveurs et des puces. L’argent métal n’est plus réservé au photovoltaïque ou à l’automobile.
Ce statut stratégique n’est pas une remonétisation directe, mais il renforce son importance économique et géopolitique. En sécurisant l’approvisionnement en argent et en soutenant sa valorisation, Washington envoie un message clair : l’argent n’est plus un métal secondaire, mais un actif d’intérêt national.
Il rejoint aussi la liste d’investissements dans les métaux stratégiques chez certains gestionnaires d’actifs. Il bénéficie donc d’un flux d’acheteurs supplémentaires.
Le cours de l’argent métal en hausse
Avant la décision de l’Inde, la modification de la liste des métaux stratégiques américains avait mis sous pression le cours de l’argent métal. Le prix de l’once a dépassé les 50 dollars, un record qui tenait depuis janvier 1980. A l’époque, ce cours était poussé par la spéculation des frères Hunt. Le prix de l’once d’argent métal se maintient toujours au-dessus des 50 dollars.
Un signal, mais pas encore une révolution monétaire
Il serait prématuré de parler de remonétisation mondiale de l’argent métal. Aucune grande économie occidentale n’a, pour l’instant, annoncé de projet officiel allant dans ce sens.
La remonétisation de l’argent reste donc aujourd’hui expérimentale, régionale et symbolique. Mais quand on constate la tendance des banques centrales à diversifier leurs réserves : achats d’or, diminution des bons du Trésor américain, Bitcoins… On peut imaginer que rapidement l’argent prenne toute sa place dans les stocks des réserves nationales et fédérales. Certains pays ont déjà de l’argent en réserve : la Chine, Taiwan mais aussi le Mexique grand producteur d’argent métal.
Bibliographie
Chiffres et données du Silver Institute (l’argent dans l’industrie).
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