L’année 2021 aura été marquée par le retour de l’inflation en France. Plus exactement, ce sont les effets de cette inflation qui se ressentent désormais. Et comme ces effets risquent bien de durer, voire de s’aggraver à moyen ou long terme, au point de menacer encore davantage le pouvoir d’achat des particuliers, il peut être judicieux d’envisager des moyens alternatifs de protéger son épargne durant cette période.

Une hausse des prix qui masque une crise monétaire entretenue

Rappelons tout d’abord les faits. On l’a déjà dit, ce qu’on nomme aujourd’hui l’inflation est surtout un abus de langage qui se veut synonyme d’augmentation des prix. Et c’est vrai que les prix ont beaucoup augmenté ces derniers mois, une hausse qu’on attribue par exemple à la demande chinoise qui explose, mais qui paraît bien être également – au moins en partie – la conséquence directe d’une augmentation sans précédent de la masse monétaire en circulation.

De politiques monétaires qui s’enferment dans la dette

En effet, même si les économistes se disputent encore pour savoir dans quelle mesure l’inflation, la vraie, celle qui désigne l’accroissement de la quantité de monnaie disponible, influence les prix à la hausse, on ne peut nier que les politiques monétaires de ces dernières années ont créé une véritable crise de confiance à l’égard des devises dont la valeur semble de plus en plus éloignée des réalités économiques. 

Et la crise liée à l’épidémie de Covid-19 n’a pas arrangé les choses puisque certains gouvernements, dont celui de la France, ont décidé que la meilleure façon de combler les pertes financières consécutives au ralentissement économique pour raisons sanitaires était de subventionner littéralement tous les secteurs d’activité sinistrés à grand coups d’argent public.

Une solution d’autant plus facilitée par les largesses de la Banque Centrale Européenne qui, depuis plusieurs années maintenant, rachète à tour de bras la plupart des dettes d’État – la fameuse politique de Quantitative easing engagée par la plupart des banques centrales dans le monde – dans l’espoir de résorber une crise financière dont elle alimente pourtant l’un des moteurs. 

Quand on teste l’helicopter money

En France toujours, cette manne financière a également profité aux particuliers par l’intermédiaire d’aides exceptionnelles, de primes et autres allocations dont le dernier exemple en date consiste en un « chèque énergie » exceptionnel de 100 euros réservé aux personnes percevant moins de 2000 euros net par mois. C’est-à-dire pas moins de 38 millions de personnes en France, pour une enveloppe globale de 3,8 milliards d’euros « créée » pour l’occasion, alors même que notre pays ne cesse déjà de creuser son déficit année après année.

Soyons clairs, l’intention est louable, même si la perspective des élections présidentielles en avril 2022 n’est sûrement pas étrangère à cet élan de générosité presque désespéré. Mais peut-on réellement résoudre une crise monétaire et lutter contre l’inflation en créant toujours plus de monnaie ? L’histoire nous a maintes fois démontré le contraire.

Notons d’ailleurs que, sous l’influence des parlementaires du groupe Les Républicains, majoritaires au Sénat et traditionnellement hostiles à toute idée d’helicopter money, la mesure s’est vue retoquée en deuxième lecture. Toutefois, c’est l’Assemblée nationale qui aura le dernier mot, et tous ces milliards seront donc finalement distribués comme prévu. D’autant plus que cette nouvelle dépense s’inscrit dans la droite ligne du « quoi-qu’il-en-coûte » en vigueur depuis maintenant presque deux ans, ce nouveau paradigme financier qui semble avoir installé durablement l’idée d’une planche à billets en libre service pour résoudre tous les problèmes et apaiser toutes les tensions. 

Sauf que distribuer de l’argent pour combler les effets de l’inflation, sans comprendre qu’il y a surtout un risque d’aggraver le mal qu’on souhaite combattre, c’est un peu comme chercher à sevrer un alcoolique en lui offrant un verre d’alcool chaque fois qu’il a soif.

Une conséquence (presque) inattendue sur l’épargne des Français

Puisqu’on parle de maladie, la pandémie a eu un effet secondaire inattendu sur le patrimoine des Français. Entre la baisse brutale de la consommation durant le premier semestre 2020, en raison des différents confinements sanitaires imposés à la population, et les aides financières évoquées plus haut, les Français ont beaucoup épargné durant ces 18 derniers mois. Environ 160 milliards d’euros, d’après une étude de la Banque de France publiée il y a deux mois. Une somme qui attise bien des appétits quand on sait qu’elle correspond plus ou moins à ce que la crise sanitaire a coûté à l’État sur la même période.

Pour être vraiment objectif, l’accroissement de l’épargne n’est pas totalement surprenant. Le Français est un animal prudent, surtout en matière d’économie, et si l’État a une tendance chronique à se comporter en cigale, les particuliers sont plutôt, quant à eux, des fourmis au réflexe de prévoyance atavique. Certes, les aides publiques ont vocation à aider les gens à assurer leur quotidien en temps de crise, et à dynamiser la consommation quand tout va bien, mais la réalité constatée depuis des décennies par de nombreux observateurs de l’économie montre surtout une très forte tendance à la thésaurisation pour faire face à d’hypothétiques difficultés ultérieures. Et ce, même lorsque les difficultés sont déjà là.

Les particuliers ont donc fortement épargné depuis début 2020, mais ils n’ont pas pour autant l’intention de puiser dans leur bas de laine maintenant qu’on leur explique que tout va s’arranger. C’est vrai que certains ont profité de ce surplus de trésorerie pour solder quelques crédits ou améliorer leur ordinaire une fois le gros de la crise passé, mais 80% des personnes ayant pu mettre de l’argent de côté ont choisi de conserver leur nouvelle épargne (47%), voire de la renforcer (33%), en privilégiant les supports les plus liquides possibles. 

Les placements à privilégier et ceux à éviter

Les produits financiers

Ce qui est sûr c’est que les produits financiers un peu élaborés peinent à séduire. Et on peut le comprendre au vu des taux d’intérêt faméliques proposés par les banques notamment, pour des placements qui, de surcroît, voient leurs maigres plus-values soumises à un impôt compris entre 17 et 30%. Liquide et totalement exonéré, le modeste et ancestral Livret A reste donc plus que jamais le choix évident pour la très grande majorité des Français qui y ont ainsi déversé une bonne partie de leurs nouvelles économies, le reste étant le plus souvent conservé tout bêtement… sur les comptes courants. Et peu importe si l’inflation rend l’opération déficitaire ; au-delà de la performance, c’est la sécurité et la disponibilité qui sont surtout privilégiées.

Idem pour l’assurance-vie qui brûle ses dernières cartouches en tentant de convertir les contrats jusqu’ici basés sur des fonds en euros, devenus intenables, vers des contrats en unités de compte permettant aux assureurs de reporter le risque de perte sur les seuls épargnants.

 

Quant à la bourse, c’est vrai qu’on dit qu’elle est toujours rentable à long terme. Mais tout dépend du moment où on y entre et de ce qu’on y fait. En tout état de cause, sachant que les marchés n’ont jamais historiquement été aussi hauts, peut-être est-il plus prudent d’attendre avant de se positionner massivement sur ce type de placement.

Les valeurs refuge

En réalité, pour protéger son argent de l’inflation, il n’existe qu’une seule stratégie réellement efficace : celle qui consiste justement à faire sortir son patrimoine des marchés strictement financiers. Ainsi, on s’affranchit du plus gros des turbulences économiques, des crises monétaires et des fluctuations de marchés qui reflètent davantage les craintes ou les espoirs d’un avenir incertain que la réalité bien concrète de l’économie du moment.

Il fut une époque où la terre, la propriété foncière, était une solide garantie de passer indemne au travers des crises sur de très longues périodes. Et c’est vrai que l’immobilier reste encore aujourd’hui la première valeur refuge à laquelle on pense pour protéger son capital. Dans la même veine, l’or et les métaux précieux jouent un rôle similaire puisqu’ils conservent leur valeur intrinsèque indépendamment des devises et des États, sans subir l’influence des marchés sur leur capacité à préserver le pouvoir d’achat. Car l’or ou l’argent ont toujours été des monnaies à part entière, des actifs remplissant non seulement une fonction de réserve de valeur mais aussi de moyen d’échange et même d’unité de compte durant une bonne partie de notre histoire.

Aujourd’hui, acheter de l’or est même devenu un élément essentiel d’une bonne stratégie de diversification prônée par la plupart des conseillers en gestion de patrimoine.

Les placements alternatifs

L’art, le vin ou encore les forêts constituent également des placements alternatifs intéressants en ce sens qu’ils sont largement décorrélés de l’instabilité des marchés financiers. Au même titre que la pierre ou les métaux précieux, ils ont aussi l’avantage de permettre la détention d’un bien tangible, physique, qui aura bien souvent une valeur d’usage en plus de sa valeur vénale. Enfin, ils peuvent aussi, là encore tout comme l’or ou l’immobilier, offrir un certain potentiel de valorisation à moyen ou long terme qui, sans être un rendement à proprement parler, peut constituer une plus-value non négligeable en cas de revente.

Quant aux cryptomonnaies, elles sont elles aussi devenues récemment un instrument de diversification intéressant, justement parce qu’elles permettaient une certaine prise de distance avec l’agitation des marchés financiers traditionnels, tout en offrant (en théorie) un moyen de paiement ou d’échange parfaitement sécurisé. Malheureusement, ces nouveaux actifs sont très vite devenus des instruments de spéculation sauvage qui rendent leur détention particulièrement risquée pour qui cherche avant tout à sécuriser son patrimoine. Pour l’instant, mieux vaut donc les considérer comme une sorte de « placement ludique », un pari, et n’y consacrer que ce qu’on peut totalement perdre sans souci.