Avec le développement des monnaies papier, il fallait une garantie indiscutable : l’étalon-or. Abandonné en 1971, le Gold standard, sa dénomination anglo-saxonne, retrouve des adeptes en ces temps de fortes émissions monétaires. Mais l’étalon-or est-il vraiment le bon cheval sur lequel miser ? Retour sur son origine, son usage et son abandon !

A retenir :

  • L’étalon-or permet de garantir une monnaie d’échange, quelle que soit sa forme, depuis que les échanges commerciaux existent.
  • Le gouvernement américain obtient en 1944 que l’étalon-or garantisse uniquement le dollar. Un avantage économique qui prend fin en 1971 avec la fin des accords de Bretton Woods.
  • Le retour de l’étalon-en 2023 ? Certains y croient mais sa mise en place se heurte aux réalités économiques et financières d’aujourd’hui.

L’or : une réserve de valeur depuis l’Antiquité

Avant d’être officiellement un étalon, l’or a d’abord été une réserve de valeur. Ainsi, à partir du moment où les hommes ont échangé des biens, ils ont conçu un outil pour garantir les transactions.

« T’as pas autre chose que du blé ? »

Ainsi, il était plus simple de stocker des grammes d’or que des tonnes de blé. Encore plus de les faire passer d’une main à l’autre dans le cadre d’une vente. Chez les Babyloniens (2000 ans avant JC) où le blé est une monnaie, on utilise rapidement l’or plus pratique que les échanges de charrettes de céréales.

L’or : un métal universel depuis des millénaires

Ce métal dont la densité, la couleur et même le tintement est connu et reconnu par toutes les civilisations (dès la grecque antique) se retrouve rapidement désigné comme référent, comme valeur refuge même.

L’or est le métal de contrepartie et de garantie de valeur incontournable jusqu’à la fin des accords de Bretton Woods. Il est toujours très présent dans les coffres des banques centrales. Des stocks d’or piliers de la garantie monétaire de nombreux pays.

À noter : On trouve plusieurs exemples d’utilisation de l’argent et du cuivre comme monnaie et valeur de contrepartie à travers les siècles. A certaines époques, l’or n’est utilisé que pour les transactions importantes puisqu’il permettait, en raison de sa densité, de stocker beaucoup de valeur avec peu d’encombrement.

La monnaie papier installe le principe de l’étalon-or

Au début du XVIIIème siècle, un des premiers usages de la monnaie papier, c’est de fluidifier les échanges commerciaux. Avec les premiers certificats or, les premiers billets, il n’était plus nécessaire de transporter de l’or pour payer ses achats. Un avantage énorme notamment en matière de sécurité et d’intégrité des pièces (absence d’usure, de rognage).

Le premier outil de stabilité monétaire : le certificat or

Le principe d’un certificat or est simple. Il est indiqué sur le « papier » son équivalent en or. Evidemment, cela évite les phénomènes d’inflation ou baisse de valeur d’une monnaie. La valeur réelle, c’est le poids en or !

Le développement du crédit… et donc de la masse monétaire

Dans le sillage de la création de monnaie, on trouve le crédit. Et avec le crédit, on découvre deux concepts importants dans la monnaie : le risque et la confiance. Le risque est rémunéré par les taux d’intérêt et la confiance doit être assurée par tous les moyens possibles. A l’époque, c’est le stock d’or qui fait la confiance. La création monétaire (donc le crédit) devait avoir obligatoirement en contrepartie l’équivalent en or.

L’étalon-or : un système vertueux pour la monnaie

C’est autour des années 1870 que l’étalon-or est adopté par de nombreux pays. Il remplace le bimétallisme (or/argent). Cet étalon or restera la base monétaire de l’économie mondiale jusqu’à la fin des accords de Bretton Woods en 1971.

Les avantages de l’étalon-or

Il assure une stabilité des monnaies puisqu’à chaque émission de monnaie, il est proposé l’équivalent de la valeur en or. C’est d’autant plus important que les banques centrales au XIXème siècle et début du XXème, dont la Banque de France, sont privées. Donc la confiance, élément fondamental de toute monnaie ne repose pas sur la force ou la stabilité d’un Etat mais bien sur l’existence réelle d’une compensation en or.

Les limites de l’étalon-or

Pourquoi a-t-on abandonné l’étalon or s’il est si vertueux ? Il peut être considéré comme vertueux si ses utilisateurs le restent eux-mêmes… Avec la révolution industrielle, les grandes guerres du XXème siècle, l’appel à l’emprunt (ou à la création de monnaie) a été si important que les stocks d’or ne pouvaient suivre. On s’aperçoit que ce système n’est pas adapté à un monde en forte croissance. Il favorise aussi largement les pays producteurs d’or ou avec des gros stocks.

L’étalon-or sous influence américaine : jusqu’à la mort

Alors à la sortie de la Seconde Guerre, les accords de Bretton Woods sont signés. Avec de nouvelles règles pour l’étalon-or… très particulières.

Bancor contre or-dollar

En 1944, deux thèses s’affrontent lors de cette conférence qui doit donner les nouvelles règles de la finance et des monnaies mondiales.

Le bancor de Keynes

L’économiste travaille à la demande du gouvernement britannique depuis 1941 à la mise en place d’un nouveau système monétaire. Il imagine alors une monnaie « internationale », qui ne dépende d’aucun pays, basée sur une chambre de compensation internationale (une ONU de la monnaie). Les monnaies nationales étant évaluée chaque année au regard de leur balance des paiements. Les nations pouvaient acheter des bancors avec de l’or et inversement. Sa proposition est rejetée à Bretton Woods

Les Américains proposent le dollar comme monnaie mondiale

Les Etats-Unis préfèrent que le dollar devienne la référence planétaire. A partir de Bretton Woods, le dollar est considéré comme une garantie pour toutes les monnaies. Ce qui est évidemment génial pour les Américains puisqu’ils peuvent ainsi créer de la dette, sans autre obligation.
Le dollar est la seule monnaie à avoir une convertibilité directe en or au cours de 35 dollars l’once. C’est le Gold Standard Exchange, le nouvel étalon-or.

1971 : la fin de Bretton Woods : premier acte de la dédollarisation

C’est le Général de Gaulle qui a lancé le premier l’offensive anti-dollar. Il décide en effet de se débarrasser des dollars stockés dans les réserves françaises en demandant la conversion en or. C’est prévu par Bretton Woods au tarif donc de 35 dollars l’once. C’est une véritable déclaration de guerre monétaire de la part de la France qui ne veut plus de l’hégémonie du billet vert.

La France sera suivie quelques années plus tard par l’Angleterre. Pour les Etats-Unis s’en est trop ! Nixon, au milieu du mois d’août 1971 met fin de manière unilatérale aux accords de Bretton Woods et surtout à la convertibilité automatique du dollar en or. Cela signe l’acte de décès de l’étalon-or !

Un cours de l’or libre mais une valeur toujours reconnue

Depuis donc 1971, le cours de l’or est libre. Il est exprimé par le LBMA (l’association des professionnels de l’or : mines, négociants, joaillerie, industrie, etc.) deux fois par jour, c’est le fixing. Il représente en général une moyenne des transactions. Il est aussi proposé par des marchés financiers qui gèrent des ETF (de l’or papier) ou même des marchés des matières premières, c’est le cours spot (en temps réel) repris par les sites d’information.

Une once d’or de 35 (1971) à 1990 dollars (2023)

Retrouvez dans cet article l’évolution du cours de l’or depuis que l’étalon-or a été définitivement abandonné. Évidemment, cette progression en un peu plus de 50 ans peut paraître vertigineuse mais le plus intéressant, ce sont les premières années de liberté. Dans la décennie 70, l’or passe de 35 dollars à 850 dollars l’once. On peut estimer qu’il s’agissait là d’un véritable rattrapage vers la valeur réelle de l’or et pas celle imposée par les Américains.

Les banques centrales aiment toujours l’or

Dans l’absolu les Français et les Anglais dans les années 70 ont touché le jackpot en échangeant leurs dollars contre de l’or à 35 dollars l’once. La valeur du stock d’or a été multipliée par plus de 20 en 10 ans. En 2023, plusieurs banques centrales ont acheté plusieurs dizaines de tonnes d’or : la Chine mais aussi la Pologne par exemple.

Le retour de l’étalon-or est-il possible ?

Plusieurs économistes souhaitent le retour de l’étalon-or. Pour eux, c’est le seul moyen de limiter le développement de la monnaie, des dettes publiques et de l’inflation. Cela semble pourtant impossible.

Une once à 11 000 dollars

C’est le premier frein. Pour garantir toute la monnaie émise depuis les années 70 par les Etats-Unis mais aussi l’Europe et bien d’autres pays, il faudrait soit extraire des milliers de tonnes d’or soit, c’est une possibilité : passer l’once à plus de 11 000 dollars (chiffre fréquemment cité) pour augmenter la valeur des stocks. Pour les autres utilisateurs de l’or, notamment les joailliers (50 % de l’usage), cela serait intenable !

Un déséquilibre économique trop important

Le problème de l’inégalité face à l’accès à la ressource, c’est-à-dire des mines d’or reste entier. Les monnaies des pays producteurs se retrouveraient vraiment avantagées.

Le retour du bancor ?

C’est une idée qui est visiblement partagée par un certain nombre de dirigeants des BRICS dont les Chinois. Une monnaie pourrait être garantie par des émissions du fonds monétaire international (FMI) pour réduire une nouvelle fois la dépendance au dollar dans les échanges internationaux.

La revanche de Keynes ?