Réapparue il y a un an alors que personne ne l’attendait, l’inflation semble depuis déjouer tous les pronostics quant à sa durée probable. Au début, nombreux étaient ceux qui pensaient qu’elle ne durerait pas. Pourtant, elle est toujours là, même si on persiste à croire qu’elle disparaîtra dans les prochains mois. En réalité, on ne peut que constater la régularité avec laquelle elle continue de croître, mois après mois. Et, sans vouloir jouer les Cassandre, il existe aujourd’hui de nombreux facteurs qui risquent bien de favoriser une situation fortement inflationniste pour plusieurs années encore.

Une inflation inattendue et sous-estimée

Si la période actuelle d’inflation a pu nous enseigner quelque chose, c’est bien que nous étions assez mauvais pour anticiper ce type de sursauts majeurs de l’économie.

Il y a trois ans, en septembre 2019, en dépit de certains dysfonctionnements monétaires qui n’alarmaient que les plus pessimistes (ou les plus lucides, tout dépend du point de vue), on imaginait globalement que le monde était bien parti pour vivre une nouvelle ère de prospérité et d’abondance digne des Trente Glorieuses dont nos parents, voire nos grands-parents, évoquaient le souvenir avec nostalgie. 

Un an plus tard, en septembre 2020, la pandémie de Covid-19 avait littéralement éteint la machine économique et laissé l’humanité en pleine sidération. Néanmoins, cette crise sanitaire avait également réussi à (presque !) créer un sentiment d’unité autour d’un projet commun et certains y voyaient déjà les prémices d’un nouvel ordre mondial basé sur la coopération et le retour à une économie florissante une fois l’activité revenue à la normale.

Encore un an plus tard, en septembre de l’année dernière, après une période de surchauffe économique un peu plus brutale que prévu, on (re)découvrait l’inflation à l’existence de laquelle on ne croyait plus, tant il s’était écoulé de décennies depuis sa dernière visite. Mais peu importe, tout le monde s’accordait encore à dire que ce ne serait que passager, que c’était lié au regain d’activité post-covid, donc plutôt positif, et finalement que cela se stabiliserait aux alentours de 3 ou 4%, avant de redescendre à un niveau favorable de 2% tel que prévu dans les mandats des principales banques centrales.

Aujourd’hui, septembre 2022, on ne peut que constater l’accumulation de ces erreurs d’appréciation. Pourtant, sans doute parce qu’il faut bien rassurer les électeurs, les responsables politiques de tous les pays continuent à promettre une sortie de crise à court ou moyen terme. Compte tenu de ce qui précède, on est en droit de douter de la pertinence de ces nouvelles prévisions…

Le risque de récession devient une réalité

Toutefois, on sent bien un certain changement dans la communication de ceux qui nous gouvernent, un discours moins optimiste, plus prudent. Et ce y compris en France où, malgré le très fort soutien du pouvoir d’achat par les pouvoirs publics, on commence déjà à nous préparer concrètement à une période de vaches maigres.

Car, entre le “quoi-qu’il-en-coûte” mis en place pour absorber le choc de la crise Covid, les différents programmes d’aide à la consommation et au maintien de l’activité des entreprises, les milliards distribués directement sur le compte bancaire des Français ou encore la compensation sur fonds publics des augmentations du prix de l’énergie et des carburants suite à la guerre en Ukraine, la quantité phénoménale de liquidités créée en moins de deux ans aura forcément un impact durable sur l’économie, le temps que celle-ci absorbe cette inflation monétaire dont l’ampleur est juste inédite.

Alors oui, la BCE augmente désormais régulièrement ses taux d’intérêt pour tenter d’enrayer cette inflation, mais elle marche sur des œufs tant son action pourrait tout aussi bien freiner la croissance en limitant trop fortement l’accès au crédit. Et là, c’est la récession qui nous menace, une situation qui serait évidemment peu favorable à une baisse rapide de l’inflation ; en effet, qui dit baisse de l’activité économique dit pénurie de l’offre… et donc hausse des prix.

Même le célèbre magazine économique américain Forbes anticipe une récession profonde pour l’Europe, en omettant bien sûr d’envisager cette possibilité pour les États-Unis qui ne sont pourtant pas mieux lotis que nous sur ce point.

De son côté, la Banque de France brandit elle aussi le risque de récession pour le pays, mais semble en limiter à la fois la durée et l’ampleur. Selon l’institution financière, le phénomène pourrait en effet impacter la seule année 2023 avec un recul du PIB relativement contenu, de l’ordre de -0,5% au maximum.

Une demande subventionnée qui alimente l’inflation

C’est en partie la raison pour laquelle la France continue à garantir une certaine protection du pouvoir d’achat des consommateurs, afin de notamment de préserver un niveau de demande suffisant pour maintenir une activité économique positive. Sauf que le résultat pourrait bien être très différent de celui attendu.

En effet, l’un des mécanismes qui peuvent réguler, et même inverser, une dynamique inflationniste concerne justement la consommation. Habituellement, plus les prix augmentent et plus la demande tend à se contracter, a fortiori si les revenus ne suivent pas. Très vite, l’offre devient excédentaire et seule une baisse de prix permet de faire revenir les acheteurs et ainsi retrouver un certain équilibre sur le marché.

Or, aujourd’hui, tous les boucliers tarifaires mis en place, qu’ils soient sous forme de subventions ou de chèques destinés à compenser les hausses de prix, ont pour effet de maintenir la consommation à un niveau normal, voire élevé compte tenu de la situation. Le signal prix est alors presque entièrement gommé et le marché en déduit que l’inflation est encore parfaitement supportable par les agents économiques puisqu’ils continuent à consommer comme avant. Aucun frein ne vient donc perturber la progression des prix à la hausse. D’autant plus que les pénuries ainsi que les problèmes structurels à la source de cette inflation n’ont pas disparu, loin de là.

En clair, plus longtemps on continuera à épargner au gens le surcoût de la vie induit par l’inflation et plus on alimentera cette dernière en ne permettant pas une contraction de la demande susceptible de faire baisser les prix. À ce jour, il est d’ores et déjà prévu de poursuivre la politique de boucliers tarifaires jusqu’au 31 décembre 2023 au moins…

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Les aléas climatiques influent directement sur les prix

L’autre grand problème rencontré par l’économie aujourd’hui concerne à la fois le défi climatique et la réponse qui lui est donnée à travers ce que l’on a coutume d’appeler désormais la transition écologique. Et ces deux facteurs constituent également des causes d’inflation à venir inévitables, indépendamment de la situation économique actuelle.

La guerre en Ukraine a montré à quel point l’Europe pouvait être dépendante, non seulement du gaz ou du pétrole russo-ukrainien, mais aussi des semences céréalières produites dans cette région, laquelle couvre à elle seule entre un quart et un tiers des besoins mondiaux. Pour autant, même si le conflit a joué un rôle dans la pénurie brutale de céréales sur le marché européen, les perturbations climatiques, et notamment la forte sécheresse de ces deux dernières années avaient de toute façon largement amputé la capacité de production des pays concernés. 

C’est aussi le cas au Canada, qui lui n’est pas en guerre, mais qui a vu sa production de graines de moutarde presque anéantie par des conditions climatiques défavorables. En France aussi, qu’il s’agisse de pommes de terre (notre pays est premier exportateur mondial) ou de fruits locaux, la sécheresse provoque un affaiblissement catastrophique des récoltes. Et la liste est longue de pays dont la production agricole est régulièrement touchée par des aléas climatiques qui deviennent de plus en plus fréquents, en raison notamment du réchauffement climatique, occasionnant des pénuries presque systématiques faisant dire à certains, comme le Président Macron, que le temps de l’abondance est fini.

Ces pénuries entraînent bien évidemment des hausses de prix sur les produits alimentaires, mais celles-ci peuvent encore être considérées comme conjoncturelles, car il suffit d’une bonne année de récolte pour que la situation s’améliore considérablement sur les marchés.

Une transition écologique génératrice d’inflation

En revanche, les réponses que l’on a choisi d’apporter à ce défi climatique qui nous préoccupe tous risque bien d’entraîner une inflation structurelle plus durable. En effet, qu’on parle de la généralisation des énergies renouvelables voulue par beaucoup, ou encore de la réindustrialisation du pays permettant de limiter l’empreinte carbone des transports de marchandises (tout en renforçant la souveraineté en matière de production), la politique pro-environnementale mise en place peu à peu exige des investissements massifs dont les coûts devront nécessairement être répercutés sur les prix.

Par conséquent, même si la croissance des ces vingt dernières années s’est en grande partie construite sur la dégradation permanente des prix afin de favoriser une consommation de masse accessible à tous, y compris aux plus modestes, il nous faut aujourd’hui nous faire à l’idée que le modèle économique que l’on vise désormais pour nous et nos enfants ne pourra plus se faire à moindre coût, et qu’il nous faudra bien apprendre à payer désormais le juste prix de nos ambitions. Le temps qu’on atteigne ce niveau de prix, ceux-ci risquent donc de continuer à grimper, plus ou moins vite selon les efforts du gouvernement pour ralentir cette inflation… ce que ne fera qu’en prolonger les effets sur plusieurs années.

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