Difficile de ne pas se laisser gagner par les émotions quand on parle d’investissement. Que l’on craigne pour la sécurité de son capital lorsque les marchés s’orientent à la baisse, ou au contraire que l’on s’enthousiasme face à une envolée des cours, il faut pourtant se garder de réagir trop rapidement. 

En matière d’investissement, comme en toute chose, l’impulsivité est toujours mauvaise conseillère. On constate en effet que beaucoup d’investisseurs ont tendance à acheter quand les marchés sont au plus haut et qu’ils suscitent l’euphorie, tandis qu’ils paniquent et se mettent à vendre massivement lorsque les cours redescendent. En clair, ils achètent quand c’est le plus cher et revendent quand c’est le moins cher. Or, pour espérer faire fructifier un investissement ou simplement valoriser un bien, tout le monde comprend bien que c’est exactement le contraire qu’il faudrait faire.

Comment expliquer alors que les comportements émotionnels l’emportent sur la logique ? Et surtout comment s’en prémunir ?

La tendance générale prime sur les variations à court terme

La première chose à comprendre c’est que les marchés n’évoluent pas selon la même échelle temporelle que celle des investisseurs. Lorsqu’on réalise un placement, on achète généralement une valeur (un bien immobilier, une action, des métaux précieux, etc.) pour la conserver à moyen ou long terme. Sinon, on appelle ça du trading, une technique de spéculation à court terme, voire à très court terme, dans le seul but de s’enrichir très vite en prenant un maximum de risque, sans réelle stratégie au long cours.

Les marchés, quant à eux, évoluent en temps réel, tous les jours, à chaque seconde. Donc, lorsqu’on parle d’investissement, il faut garder à l’esprit que seule compte la tendance globale sur toute la durée de détention de l’actif. Et peu importe que les marchés connaissent des fluctuations à la hausse ou à la baisse en cours de route ; elles sont presque toujours fugitives et n’influent pas ou peu sur l’orientation générale des cours. 

La panique alimente les krachs

Par exemple, il est normal qu’après une période plus ou moins longue de hausse continue, une valeur connaisse une petite chute liée à la vente de certains actifs par des investisseurs qui cherchent simplement à prendre leurs bénéfices. Cette correction, parfaitement naturelle et transitoire, ne remet nullement en question la progression du marché. Mais parfois, ces mouvements inquiètent de manière injustifiée un certain nombre d’investisseurs qui vont alors anticiper à tort une poursuite de la baisse. Il vont donc commencer à vendre pour tenter de préserver leur capital, ce qui aura pour effet de faire davantage baisser les cours, amenant ainsi un plus grand nombre d’investisseurs à s’inquiéter, à vendre à leur tour, faisant encore baisser les cours, etc. C’est typiquement ce genre de comportement émotionnel qui, lorsqu’il s’étend à tout un pan de l’économie, peut causer ce qu’on appelle un krach et ruiner beaucoup d’investisseurs qui n’auront pas su résister à la force de leurs émotions. Car, après un krach, les cours remontent toujours et seuls ceux qui auront su conserver leurs actifs sans céder à la panique en sortiront gagnants.

L’euphorie des bulles

À l’inverse, une valeur peut brusquement connaître un fort engouement, soit parce qu’une campagne marketing efficace a réussi à la mettre en avant (l’action de la Française des Jeux en 2019 par exemple), soit parce qu’elle a pu intéresser certains investisseurs importants qui ont ensuite profité de l’influence qu’ils avaient sur les marchés pour la promouvoir. 

On a tous en mémoire la publicité faite par Elon Musk sur ses achats de crypto-actifs dont certains étaient totalement inconnus avant qu’il les mette en avant. Dès lors, d’autres investisseurs décident de suivre l’exemple de ces influenceurs et achètent de plus en plus les actifs en question, faisant ainsi monter artificiellement leur valeur. Les médias s’en mêlent, le produit devient à la mode, on le présente comme celui dans lequel il faut absolument investir pour ne pas manquer le train de l’avenir, et on se retrouve avec des actifs parfois tellement surévalués qu’on parle alors de bulle spéculative

Et une bulle, comme son nom le laisse deviner, ça peut éclater à tout moment, par exemple lorsque les premiers acheteurs décident de revendre pour récupérer leurs fonds et faire au passage une belle opération financière. Ce désintérêt des investisseurs emblématiques envoie soudain un signal négatif fort, incitant un maximum de gens à se désengager à des prix de plus en plus bas, faisant au final perdre beaucoup d’argent à ceux, souvent très nombreux, qui avaient acheté à la fin du mouvement haussier, sous l’impulsion médiatique qui avait su jouer… sur leurs émotions.

Bref, on le voit, investir avec son cœur est généralement une très mauvaise idée. Alors comment éviter de se faire piéger ?

Des exemples de bons et de mauvais choix

On l’a dit plus haut, il faut d’abord se souvenir qu’on investit sur le moyen ou long terme. Certes, les marchés peuvent parfois connaître des chutes brutales, et l’histoire de ces 15 dernières années regorge d’exemples. Néanmoins, il a toujours été question de baisses passagères quand on les compare à la temporalité de chaque marché. Et c’est cela le plus important.

Considérons ainsi trois marchés à la temporalité différente : un marché de moyen terme (la bourse), un marché de long terme (les métaux précieux) et un marché de très long terme (l’immobilier). Le fait que les marchés de plus long terme soient également des marchés de valeurs refuge n’est d’ailleurs pas un hasard…

La bourse : un investissement de moyen terme

Un investissement de moyen terme s’étend sur une durée de 5 à 10 ans au maximum, et c’est exactement ce qu’on conseille de prendre en compte lorsqu’on investit en bourse. Ainsi, c’est vrai que les marchés se sont effondrés au début de l’année 2020 en raison de la pandémie de Covid-19, et ceux qui détenaient des actions depuis un an ou deux ont pu voir la valeur de leur portefeuille diminuer brutalement. Certains ont alors vendu, de peur de perdre davantage, et ont donc réalisé une moins-value financière. D’autres ont laissé passer l’orage et ils s’en félicitent aujourd’hui car, quel que soit le moment où ils sont entrés en bourse durant les 10 dernières années, ils sont désormais gagnants (environ 100% depuis décembre 2011)

Acheter des métaux précieux à long terme

L’or et l’argent, en leur qualité de métaux précieux d’investissement, n’offrent pas à proprement parler de rentabilité car ils suivent l’inflation et permettent surtout de préserver le pouvoir d’achat de leurs détenteurs. Pour autant, pour qui veut les considérer comme un actif de long terme, c’est à dire sur 10 à 20 ans, on note que leur prix s’est apprécié plus vite que l’inflation (l’once d’or est passée de 480 euros en décembre 2006 à environ 1600 euros aujourd’hui, soit une augmentation de 233% en 15 ans), permettant dès lors à quiconque en possèderait depuis une quinzaine d’années de réaliser une belle plus-value s’il vendait aujourd’hui. Et ce en dépit d’un mouvement de baisse continue entre septembre 2012 et décembre 2013. Une période relativement courte quand on la compare à la temporalité de cet actif – une année de baisse sur plus de 20 ans de tendance haussière –, mais suffisamment longue pour stresser un certain nombre de détenteurs qui ont cédé à la peur et finalement vendu au plus mauvais moment.

L’immobilier, un placement à très long terme

Quant à l’immobilier, l’année 2008 reste encore dans toutes les mémoires comme celle de la pire crise depuis 1990. Pourtant, la passion des Français pour la pierre ne s’est jamais démentie et malgré les différentes variations de ces dernières années, le prix de l’immobilier à tout simplement triplé en 30 ans, parvenant même à dépasser la bourse en termes de performances. Bien sûr, les crises successives ont conduit certains ménages à vendre leurs biens, certaines entreprises à fermer et céder leurs locaux, mais ceux qui ont pu conserver leurs biens ont vu la valeur de leur patrimoine progresser de manière plus ou moins importante selon la durée de détention, sachant que l’immobilier reste un actif de très long terme, courant généralement sur plus de 20 ans, soit la durée d’emprunt la plus fréquente pour devenir propriétaire.

Investir progressivement

L’une des solutions pour éviter de perdre de l’argent à cause de nos émotions est donc de considérer la temporalité des investissements, notamment pour relativiser les périodes de baisse. Une autre méthode, qui peut d’ailleurs parfaitement être appliquée conjointement, est d’investir progressivement afin de lisser son exposition au risque. Ainsi, en plaçant par exemple une somme fixe chaque mois ou chaque année dans l’achat d’un actif, indépendamment du niveau de son cours, on accroît son engagement sans heurts, mais surtout on adopte une vision d’investisseur et non de spéculateur.

Car, on le rappelle, l’objectif du spéculateur c’est de s’enrichir quel que soit l’actif, alors que l’investisseur cherche avant tout à accroître son patrimoine et à accumuler des biens de valeur. Investir progressivement permet donc d’augmenter sa quantité de biens, certes en ratant parfois les points les plus bas qui rendraient l’opération potentiellement plus rentable à court terme, mais aussi en évitant les points hauts qui coûtent très cher et qui découlent généralement d’un effet d’excitation générale ponctuel qui s’appuie principalement sur nos émotions. Du reste, l’investissement progressif se révèle bien plus cohérent avec le rythme de vie d’un particulier, lequel sera plus facilement en mesure d’épargner une petite somme tous les mois plutôt que de risquer une grosse somme d’un coup avec le risque de tout perdre en une seule fois.

Enfin, en plus de lisser notre effort d’investissement, cette méthode permet d’obtenir un rendement moins aléatoire, plus régulier et surtout plus proche de la performance à long terme des marchés.

Moins de stress, une rentabilité plus régulière et la quasi certitude d’être gagnant à moyen ou long terme, autant de bonnes raisons, donc, de ne plus laisser ses émotions dicter le rythme et l’évolution de ses investissements.