Au moment où les cryptomonnaies sont dans la tourmente, le e-Yuan prend son envol. Avec, comme souvent en Chine, des volumes énormes, une dimension politique et des questionnements sur la surveillance des transactions. En tous cas, Pékin a pris une belle avance sur le reste du monde en matière de monnaie numérique de banque centrale !

Le e-Yuan : un projet lancé en 2014 !

Les Chinois ont lancé leur projet de monnaie numérique de banque centrale, le e-Yuan, 5 ans avant la création de FTX, la plateforme d’échange de cryptos qui a fait faillite au début du mois de novembre 2022. Pendant que le Bitcoin chute, du côté de Pékin on lance le déploiement du e-Yuan à grande échelle. Et plutôt avec succès.

Deux ans de mise en place

En 2020, une série de tests sont réalisés avant le lancement officiel en janvier 2022. À partir de cette date, plus de 4,5 millions de commerçants chinois acceptent les paiements en e-Yuan ou e-CNY. 6 mois plus tard, plus de 260 millions de transactions ont été effectuées pour un montant dépassant les 80 milliards de Yuan. Aujourd’hui, commerces, services publics, hôpitaux acceptent les règlements en monnaie électronique. Même certains écoliers chinois à la rentrée scolaire ont pu utiliser un wallet pour payer leurs activités sportives ou culturelles.

Cette monnaie numérique n’est pas un actif de la blockchain

Pour faire simple, on est simplement dans la digitalisation d’une monnaie qui existe déjà avec le Yuan. D’ailleurs, les deux actifs ont le même cours. Pour les autorités chinoises, c’est un complément voire un remplaçant du système monétaire actuel. La Chine s’adapte. Ce n’est absolument pas un système décentralisé comme la blockchain : cet argent électronique est émis par la Banque Populaire de Chine (la Banque Centrale Chinoise), qui est garante de sa valeur et de sa continuité.

Le e-Yuan : une cryptomonnaie qui sert

On l’a vu, le principal reproche qui est fait au Bitcoin, c’est de ne pas (ou peu) permettre d’achats. Ce n’est donc pas une monnaie mais un actif. Résultat, comme n’importe quel actif, il peut faire l’objet de pressions spéculatives. De son côté, la Chine a bénéficié d’une acculturation forte de ses citoyens aux paiements via le téléphone portable : les Chinois sont à l’aise avec les wallets de Wechat et Alipay, et les paiements via un QR code sont légion depuis de nombreuses années. Il a donc été facile pour les autorités de l’Empire du Milieu de faire adopter un portefeuille électronique aux citoyens. Et en plus, les très populaires WeChat et Alipay ont immédiatement accepté le e-CNY.

La monnaie électronique pour faciliter le paiement de pair à pair

C’est assez cocasse mais, la Banque Populaire de Chine se félicite que les utilisateurs de sa monnaie électronique se passent du système bancaire pour échanger. En effet, le transfert de e-Yuan ne nécessite pas de passage par la case « banque traditionnelle ». Il faut savoir qu’en Chine, de nombreuses personnes ne détiennent pas de compte en banque. Mais ce système permet de « by-passer » aussi d’autres réseaux comme SWIFT ou Visa et Mastercard. Et on a vu avec les sanctions financières contre la Russie que débrancher les connexions interbancaires était possible.

Et pour mieux contrôler les transactions ?

Évidemment, avec le régime chinois, on a toujours la crainte de la surveillance. Alors les autorités invoquent « l’anonymat contrôlable », c’est-à-dire que la monnaie numérique permet de renforcer l’anonymat d’une transaction, et donc de protéger les données des utilisateurs. Sauf qu’on peut douter que la Banque of China ne profitera pas, si besoin, de la maîtrise de ces transactions en e-Yuan pour suivre les dépenses ou analyser le train de vie des uns et des autres.

Une tokénisation du Yuan

Pour reprendre un mot à la mode dans l’univers crypto, le e-Yuan est bien la transformation en token d’un sous-jacent tangible : le Yuan. On est en présence d’un smart contract qui enregistre l’échange de valeur entre deux entités (personnes physiques ou morales). C’est un excellent moyen de produire de la monnaie en émettant simplement des tokens. L’objet idéal pour les échanges internationaux voire, le développement international d’une monnaie. On imagine la Chine allouer des milliards de e-CNY à des pays de sa zone d’influence en Asie en quelques clics.

Une plus grande maîtrise de la monnaie ?

Comme pour tous les contrats et les tokens, on peut écrire ce que l’on veut en tant qu’émetteur. On peut ainsi imaginer que les e-Yuan puissent avoir une durée de vie limitée. Une sorte de DLC, date limite de consommation. Cela ne serait pas si ridicule que ça en fait. En effet, pour obliger une circulation de la monnaie et non pas un stockage comme on a pu le voir avec le BTC et donc un risque de spéculation, on peut indiquer une date limite avant dépense. Chaque détenteur serait obligé d’utiliser sa monnaie numérique dans un temps défini dès sa création. À défaut, il perdrait tout.

Pendant ce temps-là, l’Euro numérique est toujours en discussion. Et les États-Unis dépensent beaucoup d’énergie pour arriver à contrôler le Bitcoin et autres cryptoactifs qui séduisent de nombreux investisseurs américains.


Benjamin Rosoor

Je suis entrepreneur sur le web depuis 1999. Diplômé de l'école de journalisme de Bordeaux, j'ai tout d'abord été journaliste-reporter radio pendant 10 ans. J'anime plusieurs médias sociaux et blogs sur les entreprises, la tech, la finance, le marketing digital.